Nord de l'Ontario : Une impasse numérique?
29 mai, 2019 - Cet éditorial est apparu pour la première fois dans le Northern Ontario Business.
Il m’arrive parfois de penser à une carte du Nord ontarien et de voir ce gigantesque pied qui descend du ciel, écrasant tout pendant que grondent dans les cieux ces mots : « maintenant quelque chose de complètement nouveau ». Quant à ceux qui ne connaissent guère le cirque du vol du python de Monty, je recommanderais de consulter Google pendant quelques minutes, simplement pour avoir une idée du contexte. C’est évidemment supposer que votre service Internet est fiable et Google, accessible. Dans le Nord ontarien, ce n’est pas nécessairement un acquis.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) présente en ligne une très belle carte de la « couverture du service Internet à large bande au Canada en 2014 ». Nous y voyons toutes sortes de couleurs – violet pour le câble, bleu pour la fibre, vert pour la technologie fixe sans fil et jaune pour l’ELT ou la « quatrième génération ». Presque tout le Nord ontarien est blanc…, car il n’y a aucun service. Évidemment, de vastes étendues du Nord ontarien sont également faiblement peuplées. Cela dit, même dans les carrefours urbains du Nord, la couleur prédominante est le vert et, beaucoup de violet s’y trouve. Et ne me demandez pas de formuler des remarques sur les centres démographiques plus petits ou le manque de couverture cellulaire à 15 minutes de distance de toute collectivité majeure.
Cela me ramène à ce pied céleste qui « redémarre » l’économie du Nord. Si nous sommes sérieux pour assurer un avenir durable aux régions du Nord ontarien à l’ère moderne du numérique, alors l’heure est littéralement venue d’avoir quelque chose qui est complètement différent. Même les industries classiques telles celles des mines et de la foresterie dépendent de plus en plus de la technologie de l’information. Si la machinerie à distance, la cartographie numérique, la demande électronique de réclamation ou simplement votre téléphone intelligent (voire votre téléphone à rabat de 20 ans) ne fonctionne pas, alors l’usine ne pourra pas rouvrir, et la mine engendrer des redevances.
Les entrepreneurs numériques encaissent des millions provenant de hameaux dans le monde, sauf ceux du Nord ontarien. Voulez-vous démarrer une entreprise numérique? Dans la plupart de cas, mieux vaut d’abord vous diriger vers le sud. Il en va de même pour les conseils médicaux et même les diagnostics. Une grande partie de cela peut s’obtenir par téléphone intelligent. Vous auriez toutefois de la difficulté à trouver des chefs de file mondiaux dans l’éducation, les soins de santé, l’octroi de permis ou les approbations en ligne, ici, dans le Nord ontarien. Nous bricolons, nous sommes parfois en concurrence, mais rarement des chefs de file.
Pourquoi? Eh bien, pour les débutants, revenons brièvement à cette carte du CRTC. Votre collectivité mérite une couleur si une maison, oui seulement une dans 25 kilomètres carrés, affiche 5 mégabits par seconde pour le téléchargement en aval et 1 mégabit par seconde pour le téléchargement en amont. À ceux qui ne parlent pas de bit, j’apprendrai qu’une recherche rapide en ligne me dit que les vitesses Internet les plus rapides dans le monde se trouvent à des endroits tels que Singapour, en moyenne de 60,39 mégabits par seconde; la Suède, de 46; au Danemark, de 43,99; en Norvège, de 40,12.
Mais ce n’est pas qu’une affaire d’accès ou même de vitesse. Les effets des autoroutes ne découlent pas simplement de l’asphaltage et de la construction de ponts. Il a fallu concevoir des normes de sécurité pour les automobiles, des règles d’utilisation des routes, puis tester et perfectionner ces règles. Il a fallu aussi créer la formation des conducteurs, des protocoles et des outils pour l’application des lois, la signalisation ainsi qu’un langage commun, un ensemble de symboles et mettre le tout en œuvre. Pourquoi l’arrêt est-il rouge et le passage, vert?
Le peuple devait aussi être rééduqué. Il n’a pas suffi que les gens passent depuis leur cheval à une automobile avant de commencer des voyages de milliers de kilomètres lors de vacances ou de centaines aux fins du travail. Il en va de même pour ce nouveau monde numérique. Oui nos enfants sortent du ventre maternel avec un téléphone cellulaire et un affichage de Snapchat. Ce sont les autres qui doivent encore être rassurés pour leur information « dans le nuage ».
Un gouvernement sérieux à propos de l’avenir durable des régions du Nord ontarien étudierait la possibilité de faire de celui-ci une puissance numérique. Accroître non seulement la connectivité, mais aussi la capacité. Si une grand-mère finlandaise peut vérifier en ligne sa tomodensitométrie, pourquoi pas nous? Si un pêcheur norvégien peut vendre sa prise à un poissonnier japonais, pourquoi pas nous? Lorsque j’entendrai un premier ministre parler du plus récent millionnaire anishinaabe de la technologie ou bien de la façon de surmonter le diabète à l’aide d’une intervention de haute technologie peu coûteuse, ce sera une tout autre histoire.
Charles Cirtwell est président fondateur et chef de la direction de l'IPN.
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