Nous avons besoin d'un Canada réconcilié, juste et équitable

Decembre 2022 - L’une des lois de réconciliation et d’innovation politique la plus exceptionnelle – et la plus importante – du Canada est en cours de discussion dans le Nord de l’Ontario. Trois Premières Nations – Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs – cherchent à reconstruire leurs nations dans le but de bâtir une fondation stable pouvant stimuler la croissance économique, et ce, après avoir été privées de l’utilisation de leurs terres de réserve pendant plusieurs années.

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Au cours des dernières années, le gouvernement du Canada a assumé ses méfaits historiques en présentant des excuses très médiatisées, notamment en prenant des mesures concrètes et substantielles afin d’indemniser les communautés dont les droits ont été bafoués. Dans le cas des Trois Premières Nations ainsi que d’autres nations résidant au Canada, cette loi vise à leur fournir les fonds nécessaires pour leur permettre de rebâtir leurs systèmes de gouvernance, leurs liens sociaux et leur vitalité économique, mais aussi à leur fournir la possibilité d’obtenir une assise territoriale. Ce travail est remarquablement complexe et prend beaucoup de temps.

Pensons à ce que cela implique. Dans le cadre de paramètres bien intentionnés, mais mal définis par le gouvernement du Canada, les Premières Nations doivent négocier une indemnisation appropriée pour avoir été privées de leurs droits pendant des décennies, obtenir du financement pour les opérations gouvernementales à l’avenir, assurer l’accès à un soutien au développement économique, déterminer le financement des programmes culturels, linguistiques et éducatifs, trouver des capitaux pour la sélection des terres et l’infrastructure, et enfin, établir et soutenir le renforcement des capacités pour les nouveaux gouvernements. C’est un programme exhaustif.

Quant aux petites équipes administratives des Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs, elles travaillent intensivement sur une gamme impressionnante de sujets dont l’ensemble déterminera le sort et la viabilité de ces trois Premières Nations. Il s’agit d’un processus d’édification de la nation, tant pour les trois Premières Nations que pour un gouvernement national qui s’efforce de surmonter son passé colonial et discriminatoire et d’offrir un avenir juste et équitable aux Premières Nations du Nord de l’Ontario.

Mais ce n’est pas tout. Maintenant que les membres sont dispersés en Ontario et dans le reste du pays, il est difficile pour eux de retisser leurs liens et de les maintenir. De plus, Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs envisagent judicieusement toutes sortes de configurations possibles, y compris la possibilité de cohabiter dans une seule réserve rétablie, des opérations de gouvernance coordonnées, et une stratégie collective de développement économique.

Voyons maintenant ce qui est en jeu. Les Trois Premières Nations ont la possibilité tant retardée de réagir face aux torts du passé, mais elles ne disposent que d’une seule chance pour former une réorganisation politique et économique incroyablement complexe. Il s’agit d’un défi commun auquel font face les communautés autochtones du Canada, que ce soit lors de la négociation d’un traité moderne, de la finalisation d’une revendication juridique particulière ou de la mise en œuvre d’un règlement d’indemnisation impliquant le gouvernement du Canada. Elles doivent exercer le plus de pression possible sur Ottawa, mais elles doivent absolument s’assurer d’avoir l’argent, les prérogatives et les ressources humaines nécessaires pour soutenir leurs membres et leurs gouvernements dans un futur lointain.

Ce ne sont que lorsque les choses sont faites dans les règles de l’art – et les traités modernes prouvent que c’est possible – que les communautés des Premières Nations arrivent à s’engager sur la voie de l’autonomie, du renouvellement culturel et de la prospérité économique. À l’inverse, lorsque les traités sont mal conçus, comme le montrent les traités numérotés (Traités 1 à 11) qui n’ont pas tenu les promesses faites et reconnues, les accords peuvent renforcer la marginalisation, limitant ainsi les pouvoirs des Premières Nations, leur offrant peu de possibilités économiques ainsi qu’une attention gouvernementale insuffisante. Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs possèdent la chance de mener ces négociations à bien et d’obtenir des ententes définitives qui les propulsent vers la revitalisation culturelle, la prospérité économique, l’autonomie politique et la réconciliation durable avec les gens et les communautés du Nord de l’Ontario et du Canada.

Les trois Premières Nations ont progressé délibérément et avec soin vers un processus de planification exhaustif et réfléchi. Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs ont collaboré étroitement avec l’Institut des politiques du Nord et des associés professionnels, ce qui leur a permis d’examiner les pratiques exemplaires en matière de développement économique, d’étudier les structures politiques autochtones émergentes au Canada et à l’échelle internationale, mais aussi d’examiner des modèles comparatifs d’indemnisation et de financement à long terme, ainsi que d’analyser des stratégies efficaces concernant le renforcement des capacités autochtones, entre autres. Elles ont cherché à intégrer les questions politiques, économiques et de gouvernance, à travailler au sein des cadres politiques et financiers du gouvernement du Canada et à obtenir un appui solide de la part de leurs membres et de leurs représentants élus pour passer à l’étape cruciale du développement et du réaménagement de leurs nations.

Pendant des générations, les autorités britanniques et canadiennes ont imposé leur volonté politique et juridique aux peuples autochtones du Canada. Ces peuples remarquablement résilients, bien que brisés par des intrusions comme les pensionnats, les interventions de la Loi sur les Indiens et les agents des Indiens, se sont battus, déterminés à obtenir la reconnaissance et les ressources qu’ils méritaient et dont ils avaient besoin. Les efforts actuellement déployés par Animbiigoo Zaagi’igan Anishinaabek, Bingwi Neyaashi Anishinaabek et la Première Nation du lac des Mille Lacs sont bien en deçà du radar politique du Canada. Cependant, l’approche fondée sur des données probantes pour l’édification de la nation, rendue plus urgente par les processus de rétablissement d’une Première Nation « annulée » est essentielle. Ce processus est la façon dont un Canada réconcilié, juste et équitable est établi, lentement et péniblement, mais avec un niveau créatif de détermination autochtone dont le reste du pays devrait s’inspirer.

 

Dr Ken Coates est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’innovation régionale à l’Université de la Saskatchewan. Il a travaillé sur cette initiative en collaboration avec les trois Premières Nations et l’IPN.

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