Levée de rideau sur une hausse du salaire minimal
le 30 octobre - Le débat entourant le salaire minimal a toujours été intense et passionné et, naturellement, il a des répercussions très directes sur la vie de nombreuses personnes. Généralement, les arguments en faveur de la hausse du salaire minimal sont que davantage d’argent irait dans les poches des travailleurs, que beaucoup de monde sortirait alors de la pauvreté, et ce, sans qu’il y ait de conséquences négatives sur l’économie ou le marché du travail. Inversement, les arguments défavorables sont que la hausse du salaire minimal se traduirait par une perte considérable d’emplois, par une poussée vers l’automatisation et, subséquemment, placerait plus de gens sous le seuil de pauvreté, car les entreprises mettraient à pied des employés afin de pouvoir continuer d’exploiter l’entreprise. Un examen des données probantes suggérerait que ces deux points de vue sont partiellement inexacts mais vrais dans une certaine mesure.
Pour comprendre les répercussions d’une hausse du salaire minimal sur la société, il est important de comprendre d’abord des faits liés à ceux qui gagnent effectivement le salaire minimal. Dans un rapport rédigé pour l’Institut des politiques du Nord par Morley Gunderson, Ph. D., où des données de 2003 sont utilisées, il est dit que 60 % de tous les travailleurs payés au salaire minimal sont des adolescents (de 15 à 19 ans) ou des jeunes (de 20 à 24 ans) qui ne vivent pas de façon autonome. Un autre 11 % de ces travailleurs sont des jeunes vivant avec des colocataires (non un[e] conjoint[e] ou un[e] partenaire), souvent d’autres étudiants de collège ou d’université. De plus, 18 % de ceux qui ont le salaire minimal vivent avec quelqu’un qui gagne davantage, ce qui signifie que le ménage n’est pas soutenu que par ce salaire minimal. En outre, seulement 6 % de ces travailleurs à bas salaire vivent avec un(e) partenaire qui ne gagne pas plus que le salaire minimal, puis seulement 4 % d’entre eux sont le seul soutien financier du ménage. Dans un autre rapport à jour de l’Institut Fraser, des statistiques similaires ont été trouvées; il y est souligné que 58 % de ceux qui ont le salaire minimal sont des adolescents et des jeunes, et seulement 2,2 % sont les seuls soutiens financiers du ménage ou de la famille. Fait intéressant, l’équipe du rapport de l’Institut Fraser a également trouvé que 87,5 % des Canadiens qui gagnent plus que le salaire minimal vivent dans des ménages qui se trouvent au-dessus du seuil de faible revenu.
Il est toutefois intéressant de noter que dans un rapport de 2017 du Centre canadien des politiques alternatives (CCPA), il a été déterminé que le nombre des adolescents et des jeunes bénéficiant du salaire minimal avait baissé, depuis 58 % à 42 %. Toutefois, pour deux raisons, cette chute peut sembler plus grave qu’elle ne l’est en réalité. D’abord, le rapport du CCPA peut contenir des données probantes légèrement biaisées, car elles ne tiennent compte que de l’emploi entre les mois de janvier et de juin. Beaucoup de jeunes seraient encore à l’école pour la majeure partie de cette période et ne chercheraient pas de travail commençant avant la fin de l’année, ce qui pourrait expliquer le chiffre inférieur. Ensuite, au cours des récentes années, le taux de participation des jeunes à la population active a baissé, ce qui signifie que moins de jeunes cherchent carrément un emploi. La majeure partie de la baisse (70 %) du taux de participation de ceux de 15 à 19 ans découle du taux inférieur de participation des élèves du niveau secondaire; quant au 57 % du déclin de ceux de 20 à 24 ans, il est attribuable à ceux qui sont inscrits au niveau postsecondaire. Par conséquent, moins d’élèves prennent des emplois au moment de leurs études secondaires et pendant qu’ils s’efforcent d’obtenir leur diplôme ou grade. En outre, le taux de chômage des jeunes est 2,3 fois plus élevé que celui de ceux de 25 ans et plus. Ainsi, non seulement y a-t-il moins de jeunes qui cherchent un emploi, mais ceux qui cherchent travail ont du mal à en trouver.
Globalement, les données probantes ci-dessus soulignent le fait que la plupart des travailleurs au salaire minimal ne vivent pas dans la pauvreté; ce sont plutôt des jeunes qui se soutiennent eux-mêmes financièrement ou vivent avec une autre personne qui est le principal soutien économique. Cela fait de la hausse du salaire minimal en soi un outil inefficace de réduction de la pauvreté, car la hausse de celui-ci aura le plus d’effets sur les jeunes et non sur les adultes de la population active.
Effets sur l’emploi chez les jeunes
Historiquement, les hausses du salaire minimal ont eu des effets contraires involontaires sur l’emploi des jeunes en Ontario. Dans le graphique ci-dessous de l’Institut Fraser paraît une corrélation négative entre le salaire minimal et le taux de l’emploi chez les jeunes en Ontario. Il est toutefois ajouté que le graphique ne tient pas compte de facteurs plus généraux tels que le ralentissement économique. De plus, un rapport dans lequel sert des données américaines révèle que les chutes globales de l’emploi ont été étroitement liées à des récessions plutôt qu’à des hausses de salaires minimaux. Il est important de se rappeler que les États-Unis et le Canada ne sont pas nécessairement semblables; toutefois, nous devons garder à l’esprit que les récessions ont des répercussions sur le marché du travail. Ainsi, les données probantes du passé nous disent qu’augmenter le salaire minimal aura des effets négatifs sur le niveau de l’emploi chez les jeunes, puis également que les récessions amplifieront ces effets.
Signification de cela pour les jeunes : Avec moins de jeunes en mesure de se trouver un emploi, il y aura un écart grandissant entre les jeunes qui « possèdent quelque chose » et ceux qui « n’en possèdent pas ». Ceux qui réussissent à trouver du travail auront plus de revenus que par le passé, mais certains seront incapables d’en trouver et d’avoir un revenu. Cela pourrait ne pas sembler être un problème puisque la plupart des jeunes de l’Ontario ne sont pas autonomes – en fait, selon le recensement de 2016, 62,6 % de ceux de 20 à 24 ans vivent avec leurs parents. En outre, l’Enquête nationale auprès des ménages 2011 a trouvé que 90 % des jeunes vivant avec leurs parents affirmaient « ne pas avoir de responsabilité » pour les dépenses à domicile. De plus, en ce qui a trait à ceux qui travaillent et vont à l’école, ce niveau salarial est probablement temporaire, mais il faut prendre en compte des effets à plus long terme. Les jeunes qui ne peuvent se trouver d’emploi risquent de manquer d’habiletés précieuses qui s’acquièrent au travail et d’opportunités menant à des salaires supérieurs futurs. Il s’ensuit que ceux qui sont capables d’avoir un revenu et d’acquérir de l’expérience de travail pourraient avoir une longueur d’avance sur ceux qui ne le peuvent pas.
Effets sur les niveaux de prix :
Les prix de nombreux produits augmentent avec le salaire minimal, car les entreprises passent aux consommateurs le coût additionnel, surtout les petites entreprises dont les marges bénéficiaires sont plus minces. Toutefois, Armine Yalnizyan, économiste principale du CCPA, a mentionné que 50 % de ceux qui bénéficient du salaire minimal travaillent pour des entreprises qui ont 500 employés ou plus. Yalnizyan fait valoir que ces grosses entreprises n’ont pas besoin de hausser les prix afin de couvrir le coût de salaires supérieurs, parce qu’elles peuvent faire face à des marges moindres si cela signifie que les affaires prendront de l’ampleur.
Signification pour les consommateurs : Ceux qui aiment faire des achats dans de petites entreprises locales pourraient constater des hausses de prix. Toutefois, si des entreprises plus grosses peuvent devoir augmenter leurs prix, il y aura tout de même une option moins coûteuse pour de nombreux consommateurs. Les options de prix signifient que les consommateurs ne seront pas nécessairement frappés par des factures plus élevées, mais qu’il sera possible que plus de consommateurs choisissent de grosses entreprises au lieu de petites.
Effets sur les entreprises :
L’industrie de la restauration sera vraisemblablement plus affectée par un salaire minimal que les autres industries, car les restaurants emploient ordinairement des travailleurs dont les salaires sont plus bas. Restaurants Canada affirme qu’une hausse de salaire de 32 % au cours des 18 prochains mois, ce qui est actuellement proposé en Ontario, coûterait à un restaurant moyen 47 000 $ de plus annuellement; toutefois, la marge bénéficiaire moyenne pour ces commerces n’est que de 23,450 $.
Signification pour les entreprises : Les restaurants devront hausser leurs prix ou couper des emplois et/ou des heures afin de continuer d’avoir des bénéfices. Cela aura des effets négatifs sur les clients et les employés qui pourraient perdre leur emploi. De plus, comme nous le mentionnions à la section antérieure, les petites entreprises pourraient devoir lutter pour concurrencer des entreprises plus grosses qui n’ont pas à rajuster leurs prix comme le feront les petites entreprises. Cela signifie que certaines de celles-ci devront peut-être fermer leurs portes au moment où elles perdront des clients qui auront opté pour de grosses entreprises.
Effets sur l’économie :
Globalement, il n’y a pas d’éléments probants qui suggèrent que l’économie sera extrêmement influencée dans un sens ou dans l’autre par une augmentation du salaire minimal. Davantage d’argent dans les poches des travailleurs payés au salaire minimal signifie qu’ils pourront dépenser davantage, ce qui favorisera l’économie puisque 57 % du PIB canadien provient des dépenses des ménages. Inversement, il y aura des effets négatifs sur l’économie, qui découleront des entreprises aux prises avec des difficultés; elles devront peut-être hausser les prix et/ou mettre à pied du personnel. Dans l’ensemble toutefois, ces effets se contrebalancent essentiellement, d’où des répercussions négligeables, comme l’a signalé un rapport du Congressional Budget Office des É.-U., traitant des hausses de salaires fédéraux.
En somme, il y a des avantages évidents et des conséquences microéconomiques involontaires qui découlent d’une augmentation du salaire minimal. Autrement dit, les effets des rajustements liés au salaire minimal aura des conséquences dans la vie quotidienne de travailleurs et d’entreprises spécifiques. Toutefois, dans l’ensemble, rien ne prouve qu'hausser le salaire modifiera radicalement les perspectives économiques provinciales.
Façons de réagir des gouvernements :
Il semble que l’augmentation du salaire minimal s’accompagne d’avantages et d’inconvénients, et le gouvernement devrait tenir compte de tous ces effets avant de prendre une décision quelconque. Bien que les effets macroéconomiques globaux de ces changements aient tendance à être négligeables, il est encore important pour la vie quotidienne des Ontariens de gérer les effets négatifs d’une hausse du salaire minimal. Ci-dessous se trouvent trois propositions de politique de salaire minimal en Ontario.
- Le gouvernement devrait voir à ce que les changements de salaire minimal soient mineurs, progressifs, axés sur un objectif provincial (probablement 15 $/heure), au lieu d’effectuer de gros changements sur une courte période. Ces changements devraient aussi être « prédéterminés », en fonction d’un calendrier connu bien à l’avance, afin que les entreprises aient le temps nécessaire à leurs préparatifs.
- Le gouvernement devrait songer à relier hausses de salaires minimaux et état de l’économie, comme cela s’est fait en Californie, où le salaire minimal doit atteindre 15 $ pour 2023. L’approche de la Californie laisse au gouvernement de la souplesse pour suspendre les hausses prévues du salaire minimal, et ce, pendant des périodes de ralentissement économique.
- Lorsque le gouvernement aura atteint sa cible salariale, il serait avantageux de déterminer le salaire minimal en fonction du changement, au même taux que celui de l’inflation; toutefois, il faudrait aussi que soit prévu que le gouvernement puisse retarder ces changements lors d’une récession économique. Cela garantirait que le pouvoir d’achat de ceux qui sont au salaire minimal soit toujours régulier et que leur situation n'empire pas dans le futur. En outre, cela permettrait aux entreprises d’avoir des changements prévisibles de salaires, ce qui les aiderait à atténuer les effets négatifs des hausses du salaire minimal.
Eric Melillo est une stagiaire en politique à l’Institut des politiques du Nord.
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