Loi sur la gestion des terres des premières nations : Une nouvelle approche
le 15 janvier 2018 - Songez à une collectivité où vous pouvez posséder une maison mais non le terrain sur lequel elle est construite. Vous pouvez posséder la structure, mais il n’y a pas de garantie pour le terrain car celui-ci appartient techniquement au gouvernement fédéral. À tout moment, le gouvernement peut prendre des décisions au sujet de l’avenir du terrain qu’occupe votre maison. Si vous voulez un accès à du financement ou démarrer une entreprise, votre maison ne peut être offerte en garantie parce qu’une structure en propriété perpétuelle libre sur un terrain qui ne vous appartient pas ne peut servir de garantie. De plus, le gouvernement prend les décisions finales en votre nom.
C’est la cas pour la plupart des Anishinaabe qui vivent dans les réserves des Premières Nations au Canada. En fait, des collectivités entières sont soumises ainsi à ces restrictions. Le développement social et économique sur les réserves des Premières Nations connaît souvent la stagnation en raison des processus existants en rapport avec les droits de propriété. Puisqu’il n’y a pas de propriété des terres en fief simple, les Premières Nations doivent discuter avec le gouvernement fédéral, afin que soient émis des certificats de possession, des baux et des baux de domaines coutumiers (INAC , 2016). Par conséquent, les Premières Nations sont gênées par un bail sans garantie et des coûts élevés de transaction. Les coûts reliés au développement sur les réserves sont quatre à six fois plus élevés que ceux de municipalités comparables (Greg Richard, 2007).
La Loi sur les Indiens est une législation fédérale qui régit le statut, la gouvernance, les finances et le territoire d’une réserve des Premières Nations. En termes de gestion des terres, elle prévoit que le titre légal des terres d’une réserve est détenu par la Couronne. Au titre de cette législation, « Un Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande. » (Canada Federal Government, 1985). Les Premières Nations régissent les terres de la réserve conformément à la Loi sur les Indiens, laquelle confie au MAINC la responsabilité de l’exercice des fonctions de la gestion des terres, assujettit les Premières Nations aux tracasseries administratives et bloque des possibilités de développement économique. Il y a un certain nombre de structures de gestion des terres au Canada et qui sont administrées et surveillées par le MAINC. Les structures sont énumérées ci-dessous, dans la figure 1.
Toutefois, il y a une exception à cette règle : la Loi sur la gestion des terres des premières nations, une entente intervenue entre le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et treize Premières Nations, le 12 février 1996. Cette entente constitue une nouvelle approche en gestion des terres, puis n’interfère pas avec les droits constitutionnels ou des traités des Anishinaabe. Les Premières Nations signataires sont habilitées à gérer leurs terres, hors du cadre de la Loi sur les Indiens, lorsqu‘un code foncier a été ratifié[i]. Les Premières Nations ont les pouvoirs et droits associés à la propriété des terres, y compris le pouvoir d’accorder des droits et permis liés aux terres, de gérer les ressources naturelles et de faire des transactions indépendantes. Le code foncier, lorsqu’il est en vigueur, est accompagné d’une capacité juridique au regard du système judiciaire canadien (FAFNLM, 1996).
Il y a néanmoins des Premières Nations qui ont décidé de ne pas signer la LGTPN, en vertu du fait que les Premières Nations assument les responsabilités des terres dans le cadre des ententes initiales sur le statut de nation. La Première Nation de Batchewana a fait cette déclaration, et lors d’une entrevue accordée par le chef Dean Sayers, celui-ci a dit qu’« il y a des ententes sur le statut de nation dans le Traité de Robinson-Huron, où nous conservons les titres sous-jacents, et si ces ententes échouent, ces titres nous reviennent. » Et il continue, « [...] dans l’affirmation de la Couronne à propos des terres, qui sont des terres volées, nous voyons de vrais problèmes lorsqu’il s’agit de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, compte tenu de ce fondement, de cette prémisse. » Au lieu de réagir à une politique oppressive, des Premières Nations telles que celle de Batchewana ont pris une approche préventive, afin de reconnaître leurs responsabilités envers les territoires traditionnels, et il ajoute ceci : « C’est à partir de ce point de vue que Batchewana a pris des mesures, au lieu de se perdre dans les dédales des systèmes juridiques canadiens, lesquels sont conçus en vertu de la doctrine de la découverte, dont la base est illégale. » Il y a des avantages à maintenir des droits tels que ceux de la propriété et du contrôle accrus, mais être fidèle aux responsabilités enracinées dans les ententes initiales sous la forme d’un traité est une déclaration importante à admettre, et nous aurions tort de ne pas la joindre.
Bingwi Neyaashi Anishinaabek (BNA) est une collectivité de Première Nation dans le secteur du lac Nipigon; elle a signé la LGTPN et utilisé à son avantage le contrôle accru. Plus de 250 membres de la bande ont été déplacés vers l’extérieur de leur territoire dans les années 1950, lorsque le permis d’occupation des Premières Nations a été annulé par le gouvernement fédéral. Les terres sont revenues à BNA en avril 2010, et les autorités ont eu pour tâche extraordinaire d’édifier une collectivité à partir de zéro. Partir du contrôle accru, avec la LGTPN et la ratification du code foncier, a facilité grandement le développement de la collectivité. Jeremy Bonhomme, agent de la gestion des terres et du développement communautaire dit ceci : « Depuis la ratification réussie du code foncier de BNA, la collectivité a pu accélérer le développement communautaire, et il ajoute : « Ce printemps, nous avons terminé le travail d’arpentage pour deux nouveaux stades du projet de logement, en tout 42 nouveaux lots de maisons. Dans le cadre du même projet, nous avons pu faire l’arpentage de quatre routes additionnelles dans la collectivité, et nous commencerons la construction le mois prochain. »
Nous n’avons pas de série de données statistiques chronologiques de grande envergure relatives à la propriété et au contrôle accrus, mais il y a des cas de bandes des Premières Nations du Nord ontarien qui ont commencé à voir les effets positifs de la LGTPN, notamment celle de Bingwi Neyaashi Anishinaabek. Des constatations préliminaires montrent que la participation à la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la ratification du code foncier facilitent le développement sur les réserves. Au minimum, cela écourte le calendrier des transactions et abaisse les coûts, en éliminant la participation du gouvernement fédéral.
De la recherche longitudinale additionnelle continuera de faire ressortir les effets à long terme de la mise en œuvre de la LGTPN, des codes fonciers et des voies similaires pour la propriété et le contrôle accrus des terres. Davantage de collecte de données compartimentées de Statistique Canada et portant sur les indices socioéconomiques et la variété du contrôle des terres aidera cette recherche. Nous devons aussi nous poser la question soulevée par le chef Dean Sayers, à savoir, si les Premières Nations sont d’accord pour les avantages socioéconomiques de cette législation à court terme, en ce qui concerne la propriété et le contrôle accrus, que seront ses répercussions à long terme?
Pour une liste complète des Premières Nations qui ont opté pour la Loi sur la gestion des terres des premières nations, veuillez consulter ici.
Si vous vous voulez en savoir davantage sur les pratiques de la recherche sur les Anishinaabe, songez à assister au troisième colloque semestriel des Anishinaabe, ayant pour thème « Weaving Meaningful Anishinaabe Research Bundles ». Il aura lieu le vendredi 26 janvier 2018 à Sault Ste. Marie (Ontario) Pour davantage d’information et pour l’inscription, visitez le site Web.
Références
Gouvernement fédéral du Canada (1999). First Nations Land Management Act. Extraction de : http://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/f-11.8/page-1.html .
Gouvernement fédéral du Canada (1985). The Indian Act. Extraction de : http://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/I-5.pdf: Minister of Justice.
FAFNLM. (1996). Framework Agreement on First Nation Land Management. http://www.nalma.ca/wp-content/uploads/2016/01/Framework-Agreement-Amendment-5-edited.pdf.
Greg Richard, J. C. (2007). The High Costs of Doing Business on First Nations Lands in Canada . http://www.fiscalrealities.com/uploads/1/0/7/1/10716604/the_high_costs_of_doing_business_on_first_nation_lands_in_canada.pdf.
INAC . (2016, August ). Land, Indigenous and Northern Affairs Canada. Extraction de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/eng/1100100022278/1100100022279
National Aboriginal Lands Managers Association. (2016). About Land Management . Extraction de : nalma.ca: http://www.nalma.ca/professional-development/about-land-management
S Cornell, J. K. (1992). Reloading the dice: Improving the chances of economic development on American Indian reservations. Los Angeles : Université de la Californie à Los Angeles.
[i] La Loi sur la gestion des terres des premières nations a été sanctionnée le 7 juin 1999.
Le nom donné à Jamie McIntyre est mashkiki kwe, et elle provient du makwa doodem (clan de l’ours). Sa généalogie est mixte, elle descend d’une lignée de colons écossais et d’Anishinaabe de la Première Nation de Batchewana. Elle a un baccalauréat en économie communautaire et en développement social, de l’Université d’Algoma; elle est actuellement développeuse de ressources et de partenariats au NORDIK Institute, dont le siège social se trouve à Sault Ste. Marie. Elle s’intéresse entre autres au renforcement des relations interculturelles, au partage du savoir ainsi qu’aux pratiques du développement durable.
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