Changement climatique et Nord de l'Ontario : quelles possibilités pour la région du Grand Clay Belt
le 26 novembre 2018 - La science du changement climatique est passée de la théorie aux faits. La réalité est la prochaine étape. Même si des efforts sont déployés partout dans le monde pour réduire les émissions de carbone, on s’attend à ce que les températures continuent d’augmenter pendant au moins 25 ans, et à ce que les orages gagnent en intensité. Qu’est-ce que ces projections impliquent pour l’économie du Nord ontarien et le système de transport de la région? Cet article est le premier d’une série consacrée aux scénarios qui pourraient se produire d’ici à 2050.
Le changement climatique se poursuivant, le besoin de solutions s’intensifie. Pour le Nord de l’Ontario, des possibilités se profilent dans la zone de 180 000 km² que l’on appelle le Grand Clay Belt. Ce fond d’ancien lac glaciaire s’étend sur les divisions de recensement ontariennes de Cochrane et de Timiskaming, ainsi que sur le comté d’Abitibi au Québec. Sur les 29 millions d’acres de terres potentiellement arables, approximativement 250 000 acres sont aujourd’hui cultivés. Malgré la présence de sols fertiles, le peuplement de ces régions a été compromis par la rigueur des températures et les problèmes de drainage, sans parler de « calamités » comme les mouches noires et les moustiques.
Le Cadre d’évaluation du climat et de l’agriculture en Ontario (Ontario Climate and Agriculture Assessment Framework, juin 2017) évoque un avenir bien plus radieux pour la Clay Belt dans les 30 années à venir. Les degrés-jours de croissance (DJC) devraient atteindre 1 925 par an dans les années 2050, contre 1 370 par an en moyenne aujourd’hui. Autrement dit, les conditions de croissance devraient être meilleures dans la Clay Belt demain que dans l’Est de l’Ontario ou le Manitoba aujourd’hui. L’association de deux facteurs (saison de croissance plus longue dans la Clay Belt et terrains plus chers dans le Sud de l’Ontario) suscite déjà un vif intérêt pour la région.
La superficie des terres arables représentant une fois et demie la zone agricole du Manitoba, on peut supposer que la Clay Belt devrait pouvoir soutenir une population et une économie similaires. Non seulement il est possible que la Clay Belt devienne plus productive, mais grâce à l’amincissement de la glace sur la Baie James et à l’allongement de la saison de croissance, la limite de la foresterie commerciale pourrait être repoussée plus au nord, dans les basses terres de la baie d’Hudson.
Se peut-il qu’un million de personnes migrent dans la Clay Belt d’ici à 2050? Si le changement climatique est suffisant pour permettre la culture du maïs dans la Clay Belt, les zones situées plus au sud risquent elles aussi de paraître moins attirantes. Les zones côtières en particulier pourraient accueillir cette réinstallation forcée. Il n’est pas difficile d’imaginer une migration vers le nord stimulée par les écoréfugiés.
L’augmentation du prix des denrées pourrait également faire de la Clay Belt une région agricole importante et nécessaire. Même les estimations médianes prévoient que tous les 20 ans jusqu’en 2050, il y aura un milliard de bouches en plus à nourrir dans le monde. Parallèlement, certaines régions existantes de production agricole risquent de connaître un déclin. À cause de la montée des océans, les deltas très productifs du Bangladesh et d’Égypte seront inondés, tandis que la hausse des températures intensifiera la désertification. Certaines régions situées dans une zone densément peuplée entre le Moyen-Orient et l’Inde enregistreront des températures supérieures à 50 °C. De telles températures empêchent l’agriculture et rendent l’habitation humaine intolérable.
Une hausse de la production céréalière dans la Clay Belt exigerait qu’un service ferroviaire longue distance puisse atteindre les ports d’exportation. Heureusement, la majeure partie de l’infrastructure ferroviaire établie par le Grand Trunk Pacific Railway est toujours en service ou pourrait être étendue sur les emprises existantes. La région est également desservie par la route 11, une route pour poids lourds très fréquentée. La construction de l’infrastructure de voies de desserte permettant d’accéder aux fermes de la Clay Belt et aux installations de manutention du grain suivra pour répondre à la demande. Les zones de la Clay Belt qui ne conviennent pas à l’agriculture pourront servir pour l’élevage du bétail. Que la production de bœuf justifie l’établissement d’un abattoir ou pas, il est très probable que l’on constate un renforcement de l’industrie du camionnage.
De surcroît, les collectivités existantes, de New Liskeard à Hearst, connaîtront vraisemblablement une expansion. Il est difficile de déterminer quelle sera la ville qui dominera la région, mais Timmins a certainement une longueur d’avance. Une population plus nombreuse se traduira probablement par des améliorations du réseau routier et de meilleures liaisons aériennes. Toutefois, le changement le plus fondamental sera peut-être d’ordre politique. La prospérité et la croissance démographique de la Clay Belt feront remonter le centre économique beaucoup plus au nord. Comme la marée montante soulève tous les bateaux, les régions se trouvant entre les zones agricoles de la Clay Belt et le Sud de l’Ontario enregistreront elles aussi une croissance démographique et profiteront d’un meilleur réseau de transport.
Les effets du changement climatique auront clairement des retombées négatives aux quatre coins du monde. La montée du niveau des océans, la violence accrue des ouragans, la désertification et la hausse des températures moyennes sont autant de facteurs dangereux pour de larges zones de la planète. Les tendances à la croissance démographique pourraient être revues à la baisse en raison des pénuries alimentaires et de milieux de vie de plus en plus hostiles. Cependant, à quelque chose malheur est bon.
Le Nord de l’Ontario a toujours eu un climat froid limitant l’agriculture dans le Grand Clay Belt. Mais le changement climatique qui interviendra d’ici 2050 place justement cette région dans une position particulièrement avantageuse. L’infrastructure de transport de base est déjà en place pour que la région tire profit de cette croissance, mais il n’est pas trop tôt pour commencer à se préparer au moment où un million de personnes voudront s’établir ici. La réussite s’accompagne toujours de nouveaux défis.
Barry E. Prentice, Ph.D est Associé principal en Transport à l'Institut des politiques du Nord.
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