Beaucoup de bruit pour la taxe sur le carbone de l'Ontario

Le 5 novembre 2018 - Les opposants à la mise en œuvre d’une taxe sur le carbone en Ontario, notamment ceux qui occupent une charge publique, se trouvent actuellement dans une position confortable. En bref, une taxe sur le carbone sera appliquée en Ontario à compter du 1er janvier 2019, et ils peuvent en faire porter la responsabilité sur quelqu’un d’autre. Autrement dit, si cette taxe est un échec cuisant, ils gagneront gros.

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    Et soyons clairs : une taxe sur le carbone ayant pour effet de gonfler les recettes gouvernementales et d’accroître les dépenses affectées aux projets fétiches des ministères sera un échec, surtout si elle ne réduit pas sensiblement les émissions, ou même si elle les réduit un peu moins que ce qui était prévu. Si cela se produit, cette taxe deviendra un argument de poids pour l’opposition.

    Et même si cette taxe fonctionne, l’opposition aura quand même bien des choses à critiquer. Si la taxe réduit les émissions sans pour autant financer les projets fétiches et la nouvelle bureaucratie (les subventions aux voitures vertes, ça vous rappelle quelque chose?), elle restera imparfaite. Les taxes le sont toujours. Les politiques aussi. Toute politique est un compromis, ce qui explique que même celles qui sont excellentes ne sont pas à l’abri des critiques, partisanes ou non.

    Dans ce nouveau monde audacieux incluant la taxe sur le carbone, les éventuelles ponctions effectuées par les nouvelles administrations et les hausses continuelles des tarifs seront les vedettes des futurs débats, notamment parce que personne ne sait précisément à partir de quel palier fiscal on obtiendra les réductions d’émissions souhaitées. Il faut aussi évoquer les effets de la redistribution des revenus : qui paie la taxe et quelle part du revenu celle-ci engloutit-elle? Les retombées globales devant rester « sans incidence sur les recettes », on peut également se demander qui profitera des réductions fiscales consenties d’autre part.

    L’absence d’une disposition de réexamen peut elle aussi être sujette à débat. N’oublions pas qu’à l’origine, l’impôt sur le revenu devait être très modeste et temporaire. Si nous sauvons la planète, nous faudra-t-il continuer à payer cette taxe? Je soupçonne que nous connaissons tous la réponse à cette question : bien sûr que nous continuerons à payer. Cette taxe sera donc un cadeau politique à long terme pour l’opposition.

    Si les opposants à la taxe sur le carbone jouissent d’une position confortable, politiquement parlant du moins, qu’en est-il de ceux qui la défendent? Eh bien, il est probable qu’eux aussi sont plutôt satisfaits. Après tout, la date de mise en œuvre de la taxe approche, et le premier ministre Ford et ses alliés dans les autres provinces ne peuvent probablement pas y faire grand-chose. Si je dis « probablement », c’est parce que tout ce « filet de sécurité » national ayant trait à la taxe sur le carbone prend la direction des tribunaux. Or, comme vous le confirmera tout avocat compétent, une fois devant le juge, les choses peuvent aller dans un sens comme dans l’autre.

    Cela dit, cette imprévisibilité judiciaire n’est pas le principal obstacle à l’horizon pour les défenseurs de la taxe sur le carbone. Un défi bien plus important les attend, notamment pour ceux qui siègent à Ottawa. Après tout, c’est à eux qu’il revient de faire fonctionner la taxe sur le carbone. Dans ce contexte, leur travail implique d’en faire une partie intégrante du paysage, des coûts des entreprises, de l’identité ontarienne. Un peu comme la circulation routière à Toronto. Il faut faire de cette taxe quelque chose que les gens acceptent automatiquement, notamment tous les quatre ans au moment des élections.

    C’est ce qu’a fait la Colombie-Britannique. Son gouvernement, en réduisant énergiquement d’autres taxes (pour les particuliers comme les entreprises), et en étoffant largement les crédits d’impôt en fonction du revenu, a convaincu l’électeur lambda d’accepter une nouvelle taxe. Ou, plus vraisemblablement, de « tolérer » une nouvelle taxe. Mais cette taxe perdure depuis plusieurs cycles économiques et électoraux. C’est ainsi que l’on pourra vraiment mesurer le succès du filet de sécurité fédéral concernant la taxe sur le carbone : existera-t-elle toujours après la prochaine élection fédérale, puis après la suivante?

    C’est là que les partisans de la taxe sur le carbone pourraient très facilement faire de leur victoire une défaite. S’ils décident simplement d’éviter de dépenser le dividende sur le carbone, ce que l’Ontario n’a pas fait avec les recettes du système de plafonnement et d’échange, ils échoueront. S’ils font ce que la Colombie-Britannique a entrepris de faire et présentent une panoplie de crédits d’impôt ultraciblés (anciens et nouveaux) au chapitre de la compensation de carbone (passant ainsi plus de temps à acheter des votes qu’à bâtir une économie verte), ils échoueront.

    Je leur conseille plutôt de s’inspirer du modèle britanno-colombien précédent : de vastes réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers pour encourager le travail, un allègement de l’impôt des sociétés pour encourager l’investissement, et un étoffement des crédits d’impôt accordés aux personnes à faible revenu pour que les dividendes « verts » profitent à tous et aident ceux qui pâtissent le plus de la nouvelle taxe à la consommation. S’ils suivent ce modèle, les prochaines batailles électorales pourraient bien porter sur les éventuelles autres réductions fiscales rendues possibles par la taxe sur le carbone, au lieu de débattre du bien-fondé de l’existence même de cette taxe.

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    Charles Cirtwill est président et chef de la direction de l’Institut des politiques du Nord, un groupe indépendant de réflexion sociale et économique dont le siège social est dans le Nord de l’Ontario, avec des bureaux à Thunder Bay, Sudbury et Sault Ste. Marie.


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