Tracer une nouvelle voie : Profiter du « vent chaud » en éducation des Premières Nations
11 décembre, 2015 - « Un vent chaud souffle sur le Canada », aime dire le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, et les rôles sont maintenant inversés. Après la soi-disant « décennie de la noirceur » pour les relations entre les Premières Nations et Ottawa, il est temps que les Premières Nations se présentent avec leur propre « plan ».
C'est pourquoi au récent Symposium des Chefs de l'Ontario, consacré à l'éducation, du 17 au 19 novembre à Thunder Bay, le ton avait changé. Au lieu de s'en prendre au premier ministre Stephen Harper ou de faire revivre les horreurs des pensionnats pour les Indiens, l'accent a été mis sur Neegahnee daa (marchons ensemble) afin de « tracer une nouvelle voie ».
Sous les yeux vigilants du grand chef Gord Peters et du chef régional Isadore Day, quelque 180 enseignants, conseillers et aînés des Premières Nations étaient réunis au Victoria Inn, afin de discuter en profondeur d'un ensemble de propositions pour un nouveau cadre de contrôle réel des Premières Nations en éducation, sur et à l'extérieur des réserves. J'ai assisté à titre d'observateur de l'Institut des politiques du Nord, déterminé à écouter au lieu de parler, puis cherchant à mieux comprendre les défis qui nous attendent.
Les deux émissaires fédéraux, l'ancien premier ministre Paul Martin et la nouvelle ministre des Affaires autochtones et du Nord, Carolyn Bennett, ont pincé une corde positive. Martin a dit du présent moment critique que c'était « une période magique », faisant référence à la domination des Libéraux à Ottawa et à Queen’s Park. Madame Bennett, Ph. D., a été plus modérée et nuancée dans ses déclarations.
L'Initiative Martin, englobe maintenant trois programmes : le programme d’apprentissage pour les jeunes Autochtones (PAJA), le cours en ligne pour les directeurs d'écoles autochtones, le projet d'alphabétisation précoce, et cela coûtera très cher. C'est pourquoi Martin, à chaque arrêt de sa tournée nationale, insiste sur les « gros sous » nécessaires pour combler l'écart de financement.
La ministre Bennett « comprend » clairement lorsqu'il s'agit de créer des ponts. Le « paternalisme », a-t-elle dit aux délégué « a été un désastre », et la voie de l'avenir comprend « les nouveaux Trois R – Recognition (constatations), Rights (droits) et Respect ». Elle semble armée de patience. « Les éducateurs s'expriment », a-t-elle fait remarquer. « C'est parce que vous faites vos devoirs. »
Les réalités actuelles dans l'éducation des Premières Nations en Ontario peuvent suffire à mettre cette patience à l'épreuve. Les 201 100 membres des Premières Nations de la province sont servis par un système de 133 Premières Nations, la plupart ayant des directeurs ou gestionnaires de l'Éducation. Soixante-dix-sept Premières Nations ont un Conseil de bande qui s'occupe du fonctionnement des écoles (24 de la maternelle à la 12e année, puis 52 écoles primaires). Cinquante-sept Conseils n'ont pas d'écoles et envoient leurs enfants aux écoles publiques provinciales.
L'agrégat existant, qui a évolué afin d'assurer du financement durable ou de faire preuve d'autonomie gouvernementale, est complexe et stratifié. Parmi les 17 Conseils tribaux, 13 offrent des services d'enseignement, mais 21 Premières Nations additionnelles ne sont pas affiliées à un Conseil tribal. Quatre organismes territoriaux provinciaux existent, et deux ont des comités consultatifs de l'Éducation. Deux tables de la gouvernance en éducation (TGE) ont été créées; de plus, 16 Premières Nations sont soit autonomes ou sans affiliation, et se trouvent à l'extérieur du cadre organisationnel existant.
La responsabilité redoutable de réinventer le cadre de gouvernance est assumée par Julia Candlish, directrice de l'Éducation pour le groupe des chefs de l'Ontario (CO) et qui a son siège social à Toronto. Travaillant avec des chefs clés et son personnel, elle a produit ce qui a été désigné par le « cadre des cercles de soutien »; cela est centré sur l'« apprenant des Premières Nations » et conçu pour entourer ce dernier d'une série de « cercles de soutien ».
Même si les modèles proposés par les CO reconnaissent le fait que 75 p. 100 des élèves des Premières Nations vont à des écoles provinciales, le cadre prévoit l'éducation élargie des enfants, sous forme de « progressions d'apprentissage » à l'école et dans la collectivité.
Joindre tout cela ensemble est extrêmement complexe et débouche sur une concurrence historique entre et parmi les divers groupes autonomes, et ce, pour les fonds gouvernementaux insuffisants. Tenir compte de la sagesse des aînés comprend un examen du passé, tout en traçant la voie de l'avenir.
La confiance a été rétablie, mais ce n'est que la première étape vers une réconciliation en éducation et un partenariat de nation à nation. Un soi-disant « cadre mixte » est possible, et il ressemble davantage à un consortium qu'à un « Service de l'éducation ». Il est impérieux d'améliorer les niveaux de financement ainsi que de veiller à ce que ces fonds atteignent effectivement les élèves dans les écoles.
L'avortement de la Loi sur l'éducation des Premières Nations 2013-2014 a été provoqué par les chefs et les enseignants des Premières Nations, lesquels s'opposaient à être enrégimentés dans une entente et ensuite pris dans un système « conçu à Ottawa » pour le financement et la reddition des comptes. « Présentez-nous un plan » est l'approche actuelle du gouvernement fédéral, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Le rythme sera déterminé par les chefs des Premières Nations, et il faudra du temps pour élaborer un nouveau cadre, celui-là vraiment respectueux des « souverainetés » des Premières Nations en éducation.
Paul W. Bennett est attaché supérieur de recherche, Éducation, à l'Institut des politique du Nord, à Thunder Bay et à Sudbury (Ontario), ainsi que directeur fondateur de Schoolhouse Consulting, à Halifax, en N.-É. Première publication dans The Chronicle Journal, en 27 novembre 2015.
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