Réparer les pots cassés
Choix de l’école communautaire pour le renouvellement de l’éducation des Premières Nations
11 septembre, 2014 - La Loi sur l’éducation des Premières Nations est un projet qui a « fortement chuté », comme Humpty Dumpty dans la célèbre fable des enfants. La plus récente entente, annoncée à grands bruits par le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo, et le premier ministre Stephen Harper le 7 février 2014 peut avoir embelli l’offre financière, mais pas pour longtemps.
Lors de la démission d’Atleo au début de mai, le plan d’Ottawa pour la réforme bureaucratique, désigné par projet de loi C-33, a été abandonné, réduisant à néant le pacte. Pour réparer les pots cassés, il faudra maintenant une approche complètement différente et un modèle plus réceptif d’auto-administration, depuis les Premières Nations vers le haut et non du haut vert le bas.
Notre document de recherche, « Picking Up the Pieces » (réparer les pots cassés), pour le nouvel Institut des politiques du Nord à Thunder Bay et à Sudbury, démontre pourquoi le projet de réforme structurelle de l’éducation faisait fausse route. Davantage d’argent, sous la forme d’un financement accru des immobilisations, aurait pu se traduire par des gains modestes pour la scolarisation sur les réserves, mais remplacer une bureaucratie par une autre modifie rarement l’état de l’éducation ou améliore peu la qualité de l’apprentissage des élèves au niveau de l’école ou de la collectivité.
Un approche qui repose sur l’école communautaire a une bien meilleure chance de rétablir la confiance ébranlée mais, ultimement, d’améliorer les réalisations des enfants et des jeunes des Premières Nations. Pour obtenir l’aval, cette approche doit comprendre un véritable déplacement du lieu où les décisions sont prises, respecter ce que les spécialistes indigènes tels que Marie Battiste désignent par « l’esprit d’apprentissage », puis reconnaître les capacités inhérentes d’apprendre des élèves et des collectivités.
La gouvernance de l’éducation est un terrain démocratique contesté. Les conseils scolaires de district provinciaux au Canada font déjà face à une crise de confiance du public, et le projet de loi risquait de perpétuer ce problème, en le répandant dans les collectivités des Premières Nations.
Des conseillers élus par le public et des administrateurs au niveau des écoles expriment maintenant des inquiétudes sérieuses, le plus récemment dans une étude de 2013 de l’Association canadienne des commissions scolaires; il y est question du fait que la « centralisation » étouffe lentement le processus décisionnel local et réduit à l’impuissance les conseils élus. Simplement permettre la mise sur pied de conseils scolaires pourrait bien renforcer l’élan de centralisation.
Un rapport de 2005 rédigé par Lise Chabot, à la demande du Conseil des chefs de l’Ontario, a permis de trouver le besoin crucial de faire participer davantage les parents à l’éducation des Premières Nations, et un potentiel un ce sens. Compte tenu des discussions en groupes de concertation de l’ensemble de la province, Lise Chabot a vu la participation des parents comme une façon, non seulement de mettre à profit le savoir indigène en matière d’apprentissage, mais aussi de fournir le lien manquant dans la prestation des services d’enseignement existants destinés aux enfants, aux jeunes et aux familles des Premières Nations. La participation significative des familles est aussi perçue comme essentielle aux progrès futurs.
Le contrôle exercé par les Premières Nations sur l’éducation comprend maintenant une transformation habilitant les Premières Nations à élaborer des programmes et pratiques d’enseignement enracinés dans les systèmes de connaissances indigènes et en harmonie avec les façons autochtones d’apprendre, par exemple depuis 2007, ce que les Premières Nations appellent les modèles globaux et permanents d’apprentissage.
Au lieu d’accepter le caractère central des systèmes d’apprentissage des Premières Nations comme une condition préalable de la discussion, Ottawa a présenté un plan rattaché au modèle classique des « soutiens pédagogiques » et plus étroitement axé sur un programme d’études pour les « compétences favorisant l’employabilité ».
La population des Premières Nations n’est pas seulement jeune; elle grandit rapidement, d’où un sentiment d’urgence. Quarante-deux pour cent de la population indienne inscrite du pays a 19 ans ou moins, comparativement à 25 % pour l’ensemble de la population canadienne. D’ici 2026, il est prévu que la population des Premières Nations sur les réserves, de 407 300 en 2000, augmentera de 64 %, à 667 900.
Dans la déclaration de février 2014, il était question de « responsabilité mutuelle », mais il y avait une insistance sur un programme d’études de base « correspondant aux normes provinciales ou les dépassant »; il y avait les exigences suivantes : que les élèves qu’ils se conforment aux normes minimales pour les présences; que les enseignants soient agréés; que les écoles accordent des diplômes et certificats « largement reconnus ». Cela a provoqué la résistance de la base des Premières Nations, été rejeté par les chefs qui n’étaient pas parmi les parties de l’entente et abouti à la démission d’Atleo.
Maintenant que le projet de loi est en morceaux, nous proposons un modèle de rechange pour les écoles des Premières Nations : le renouveau par « gestion fondée sur l’école communautaire ». Cette approche englobe un mode décisionnel qui a beaucoup en commun avec les approches et pratiques des Premières Nations, en particulier la tradition micmaque du « cercle de discussion ».
D’abord mis en pratique aux écoles publiques d’Edmonton dans les années 1980 et maintenant adopté par la Banque mondiale dans ses projets d’éducation internationaux, le concept essentiel de « gestion fondée sur l’école » semble plus en accord avec les aspirations des Premières Nations, offrant davantage d’autonomie gouvernementale en éducation.
Éduquer les enfants et les jeunes des Premières Nations devrait être une activité confiée aux collectivités des Premières Nations. Nous pressons le gouvernement canadien d’investir dans le soutien et l’augmentation des projets dirigés par la collectivité, comprenant des enseignants, des parents et des familles, hors du contrôle des responsabilités administratives existantes, afin d’atteindre des objectifs à plus long terme d’amélioration de l’alphabétisation, des résultats scolaires et des chances de réussite dans la vie.
Le renouvellement qui repose sur l’école communautaire plutôt que sur une réforme bureaucratique pourrait faire beaucoup plus pour produire des collectivités scolaires durables, pour libérer « l’esprit d’apprentissage » des Premières Nations et pour faire participer vraiment les enfants et les jeunes sur les réserves et à l’extérieur de celles-ci.
Par Paul W. Bennett et Jonathan Anuik
Paul W. Bennett, attaché supérieur de recherche, Éducation, à l’Institut des politiques du Nord, et Jonathan Anuik, professeur adjoint, Études des politiques de l’éducation, Université de l’Alberta, Edmonton (Alberta), sont les auteurs de Picking Up the Pieces: A Community-School Based Approach to First Nations Education Renewal (réparer les dégâts : approche fondée sur l’école communautaire pour le renouvellement de l’éducation des Premières Nations) (IPN, 2014).
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