Réforme électorale – Qu'est-ce qui est le mieux pour le Nord?

22 février, 2016 - Un débat national sur la réforme électorale au Canada prend de l'ampleur. Mettons de côté pour un moment les questions de démocratie, de représentativité, d'équité et de stabilité gouvernementale, et concentrons-nous sur ce qui est désigné par « realpolitik » (politique réaliste). À quel système électoral nous, du Nord, accorderions-nous la voix dominante au chapitre lors de l'élaboration des politiques nationales?

Après tout, c'est la question de base. Est-ce que toutes les voies sont entendues au Parlement et le sont-elles efficacement? Exerçons-nous une certaine influence (peu importe ce à quoi « nous » voulons bien nous associer)?

La plupart des gens diraient que notre voix, celle des gens du Nord, n'a pas d'effet. La liste existante commence par la crise de nos collectivités autochtones, passe à notre manque d'infrastructures, puis se termine généralement par des questions sur les progrès du Cercle de feu et le soutien pour d'autres industries du secteur primaire. Dans l'espace intermédiaire se trouvent les nombreuses insertions liées à l'éducation, aux soins de santé, aux échanges, à la société et à l'environnement.

Pourtant, bien qu'en matière de politiques, nos effets semblent actuellement minimaux, le système électoral majoritaire uninominal (SEMN) a été pas mal bon pour le Nord ontarien. Le dernier gouvernement comprenait quatre députés d'ici, dont deux étaient ministres. Cette fois-ci, nous avons sept députés et un ministre (pour le début). Si nous examinons davantage le passé, nous avons eu avec le SEMN existant, de façon systématique et fiable, une voix au Cabinet. Alors, nous avons connu une réussite électorale convenable, mais obtenu des résultats politiques mitigés. Il est peut-être temps de chercher quelque chose de différent.

Malheureusement, l'approche favorite du premier ministre Trudeau (le vote unique transférable.) risque de ne pas nous traiter avec plus de bienveillance que le SEMN. Dans ses grandes lignes (et admettant que chaque système comporte plusieurs modèles), la notion de base du scrutin majoritaire uninominal est que les électeurs classent les candidats locaux par ordre de préférence. Si au premier tour aucun candidat n'obtient la majorité des votes, le résultat le plus bas des votes est redistribué. Ce processus continue jusqu'à ce qu'un gagnant soit sélectionné.

L'analyse de l'élection récente suggère que la majorité du Parti libéral serait renforcée dans le cadre de ce modèle. Les Libéraux étaient la deuxième option de beaucoup d'électeurs. C'est probablement la raison pour laquelle nous avons entendu des plaintes sans fin au sujet de l'illégitimité électorale lorsque les Conservateurs de Harper ont obtenu une majorité avec 39,6 % du scrutin populaire, mais n'entendons presque pas de plaintes face à la majorité des Libéraux, qui ne repose que sur 39,5 %. Malheureusement, avoir une deuxième option au pouvoir vous apaise peut-être assez, mais cela ne suffit pas pour que votre voix soit entendue.

Le renforcement d'un résultat national déjà biaisé, même avec un ou deux députés de plus d'ici, aurait nui à notre cause et non le contraire. Puisque beaucoup plus de sièges se trouvent ailleurs, placer encore plus de députés sur les bancs du gouvernement aurait réduit et non amplifié notre voix. Pour parler sans détour, la victoire écrasante de n'importe quel parti, peu importe la façon d'y parvenir, est une mauvaise nouvelle pour le Nord.

Il reste alors la représentation proportionnelle. Essentiellement, le pourcentage du vote populaire décide du nombre de sièges au Parlement. Puisqu'aucun parti n'a eu plus de 50 % des votes depuis 1958, puis que 50 %, précisément, n'a été atteint qu'une fois depuis (en 1984), le gouvernement minoritaire continu est pratiquement une certitude avec la représentation proportionnelle.

Face au cas d'une petite population qui veut avoir des effets disproportionnés, les gouvernements minoritaires sont précisément ce que le médecin (des politiques) a prescrit. Nous avons déjà sous la main des exemples internationaux de petits partis politiques régionaux et relativement petits qui ont de véritables répercussions politiques : je parle souvent de l'Italie et d'Israël (pour le bien et le mal des perpétuelles minorités). La Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne vivent aussi régulièrement des expériences de formation de coalitions. Au R.-U., le Parti national écossais a fait d'énormes progrès pour l'autodétermination de l'Écosse.

Au Canada même, où nous nous éloignons du bipartisme depuis le début des années 1900, nous avons vu plusieurs gouvernements minoritaires mettre en œuvre des idées de leurs opposants. Le plan « Chantiers Canada », par exemple, ou au moins la notion de dépenses de stimulation massives face au ralentissement mondial, a découlé dans une large mesure des travaux des Libéraux et du NPD. De même, le NPD d’Ed Broadbent a eu des effets disproportionnés sur le la politique sociale et de la main-d'œuvre du gouvernement fédéral pendant le mandat minoritaire de P. E. Trudeau dans les années 1970.

Un autre exemple canadien est encore plus pertinent pour le Nord ontarien. Lorsque le Québec n'a pas réussi à faire de la sécession une menace crédible, des représentants ont rapidement découvert que voter comme groupe organisé au Parlement fédéral pouvait être aussi efficace pour obtenir un statut particulier et pour assurer que les électeurs québécois déterminent le programme et non les bureaucrates d'Ottawa. Les Québécois ont également prouvé que ce pouvoir pouvait servir même en changeant d'allégeance politique (dans leur cas, du Bloc vers le NPD). Voilà de la matière à réflexion pendant que se déroule le débat sur la réforme électorale.

Par Charles Cirtwill, président et chef de la direction de l'Institut des politiques du Nord. Première publication dans Northern Ontario Business, en février 2016.

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