Recours à des frais de développement afin d'encourager la croissance
7 août, 2014 - La Ville du Grand Sudbury recueille des frais de développement pour chaque nouvel immeuble qui est construit, afin de défrayer les coûts liés à l’élargissement des services municipaux connexes, notamment l’eau, les incendies, la police et les parcs.
Le taux facturé aux constructeurs varie pour chaque type d’immeuble (résidentiel, industriel, commercial/institutionnel), mais, pour ne rien compliquer, ce blogue traite des habitations unifamiliales.
À la Figure 1 se trouve l’évolution des taux exigés pour le développement, de 2009 à 2014. Le 9 juillet 2014, les règlements municipaux pour les frais de développement expireront, exigeant qu’un nouveau règlement soit signé avant cette date. Dans la proposition de nouveau règlement se trouve une hausse de taux de 16 % pour une habitation unifamiliale, ce qui signifie qu’un constructeur devrait alors payer 17 163 $ pour chaque nouvelle habitation qu’il construit, et ce, à compter du 10 juillet.
Avec l’approche de la date limite pour la signature d’un nouveau règlement municipal, les conseillers municipaux ont récemment consacré du temps à la discussion sur la hausse proposée. Heureusement, ils ont décidé de geler les frais pour les deux prochaines années.
Qu’est-ce que cela signifie exactement?
Il y a deux facteurs qui auront des effets directs sur les frais de développement :
Coûts pour les constructeurs d’habitations. Revenus de l’administration municipale. Coûts pour les constructeurs d’habitations
Du côté de l’offre du marché, les frais de développement augmentent les coûts des constructeurs d’habitations, ce qui signifie un certain nombre de choses.
En premier lieu, si un constructeur décide de construire dans un secteur où des frais de développement existent, ils n’accepteront pas que leurs profits diminuent à cause de coûts de construction supérieurs; ils exigeront que ces hausses soient passées aux acheteurs, sous la forme de prix de détail supérieurs.
En deuxième lieu, les constructeurs pourraient décider de se retirer du marché tout simplement. C’est l’essence de la concurrence sur le marché – s’il est moins coûteux pour une entreprise de construire une habitation sous une compétence à proximité et qui a peu ou pas de frais de développement, c’est elle qui sera choisie.
Dans ce cas-là, les frais de développement ont un effet dissuasif lorsqu’il s’agit de construire de nouvelles habitations, à moins, évidemment, que l’économie soit forte et que les consommateurs acceptent de supporter tout le fardeau des frais de développement.
Cela nous conduit à l’aspect demande du marché.
Si nous supposons que les constructeurs ne déménageront pas ailleurs leur entreprise et consacreront plutôt toutes leurs ressources à la construction de maisons dans un secteur où il y a des frais de développement, alors, est-ce que les acheteurs accepteront de payer les frais de développement, par des prix de détails supérieurs? Probablement pas.
Un consommateur rationnel cherchera une meilleure valeur sous des compétences qui ne sont pas entravées par des frais de développement. Autrement dit, ces frais peuvent réduire la demande d’habitation dans le secteur
Toutefois, y a-t-il quelque chose du genre dans le Grand Sudbury?
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) nous apprend que les nouvelles constructions d’habitations unifamiliales sont en baisse depuis 2007, cependant les prix des maisons ont augmenté régulièrement[i]. La SCHL prétend que « le coût de construction supérieur, en raison du projet récent de hausse des frais municipaux de développement devrait pousser à la hausse le prix moyen des habitations individuelles, soit de 8 % en 2014 ». De plus, la population du Grand Sudbury est stable ou en baisse depuis 2011[ii], et l’émigration dans le Nord ontarien a été une préoccupation croissante. Pour ces raisons et pour d’autres, dans les perspectives de croissance du Grand Sudbury se trouvent des difficultés.
Pour être clair, nous ne suggérons pas que les frais de développement sont les seuls responsables de ces tendances, mais la théorie permet de croire qu’ils pourraient y contribuer partiellement ou complètement. Selon les conditions économiques existantes de Sudbury et l’approche pour l’insertion des taux, les frais de développement peuvent jouer un rôle dans le renforcement ou l’affaiblissement du marché de l’habitation et de l’économie et, par conséquent, doivent être situés dans le contexte.
Bien qu’il y ait de nombreux autres moteurs derrière la mise en chantier d’habitations, les prix des maisons, la population et l’émigration, des frais élevés de développement créent un milieu restrictif et même défavorable lorsqu’il s’agit de renverser les tendances de cette croissance lente que connaît le Grand Sudbury (et le Nord ontarien en général).
Outil de revenu versus outil de planification
Avec un marché de l’habitation qui reste faible et une croissance économique lente, une telle politique qui sert d’outil de revenu afin de recouvrer des coûts liés à une croissance et à un développement nouveaux a peu de sens. En fait, parce que la structure existante des taux défavorisera les nouveaux développements, le niveau des revenus municipaux baisseront.
Lorsque les frais de développement réduisent le nombre des mises en chantier, il y a une perte directe de revenus à cause des frais de développement qui ne seront pas perçus, ainsi qu’une perte subséquente de revenus provenant des impôts fonciers et des taxes pour les services municipaux pour ces propriétés. Cet effet multiplicateur négatif est ce qui fait vraiment des frais de développement un obstacle à la croissance. Non seulement la municipalité met-elle en œuvre une politique qui aboutit à des frais de développement qui ne sont pas recueillis, mais elle comporte aussi des effets négatifs sur d’autres outils devant engendrer du revenu et que la ville a mis en place.
La décision récente de geler les taux est un début; toutefois, plus fondamentalement, les frais de développement doivent être vus non comme un outil de revenu mais comme un outil de planification qui peut stimuler la croissance.
Ici l’idée est qu’une hausse des frais de développement peut nuire à la croissance : les coûts de construction sont supérieurs, les prix des maisons augmentent et les constructeurs/acheteurs cherchent d’autres marchés. Toutefois, par un rajustement stratégique des frais de développement, un planificateur peut présenter une mesure incitative aux constructeurs comme aux acheteurs, afin qu’ils investissent dans un secteur particulier de la ville. Cela signifie que les frais de développement ne devraient pas être les mêmes partout dans la ville, mais plutôt varier selon que les planificateurs veulent favoriser ou défavoriser la croissance de certains secteurs.
Par exemple un élément prioritaire pour de nombreux planificateurs à Sudbury est la revitalisation du centre-ville. Alors, recourir à un taux inférieur dans ce secteur par rapport à d’autres pourrait encourager les constructeurs et les acheteurs à investir dans des propriétés du centre-ville. Par contre, demander des frais de développement élevés dans un secteur surpeuplé qui a des niveaux de croissance marqués pourrait être une option. Utiliser les taux pour favoriser ou défavoriser l’investissement, selon les conditions économiques existantes, tout en songeant aux retombées subséquentes qui accompagnent les frais de développement, voilà la clé lors de la détermination des taux.
Par James Cuddy
Le contenu du blogue de l’Institut des politiques du Nord est pour l’information et l’utilisation générales. Les vues exprimées dans ce blogue sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de l’Institut des politiques du Nord, de son conseil d’administration ou de ses partisans. Chaque auteur assume toute la responsabilité quant à la précision et à l’intégralité de son blogue. L’Institut des politiques du Nord ne sera pas tenu responsable d’une erreur ou d’une omission dans cette information, ni d’un dommage causé par l’exposition ou l’utilisation de cette information. Tout lien vers un autre site Web ne signifie pas que l’Institut des politiques du Nord est d’accord avec le contenu de ce site, ni qu’il y assume une responsabilité.
[i] Société canadienne d’hypothèques et de logement (2014). Housing Market Outlook Greater Sudbury CMA.<https://www03.cmhc-schl.gc.ca/catalog/productDetail.cfm?cat=99&itm=29&lang=en&fr=1403225207082>
[ii] Statistique Canada, estimations de l’Enquête sur la population active, CANSIM, tableau 282-0116.