Partir ou rester? Pourquoi il est dur de partir, mais facile de revenir dans le Nord de l'Ontario
22 août , 2016 - C’est la période de l’année où les étudiantes et étudiants qui envisagent de faire des études postsecondaires sont confrontés aux échéances pour accepter des offres d’admission. Pour les étudiants du Nord de l’Ontario, cette date imminente représente un choix : quitter le Nord ou y rester?
La décision de partir à 17 ou 18 ans n’est pas facile. Avec quatre universités y compris les écoles de droit et de médecine, six collèges et un grand réseau de formation à distance, le choix de rester dans le Nord pourrait paraître évident. Et pour celles et ceux qui vivent tout près, il semble tout à fait logique de fréquenter un établissement local.
Pourtant, chaque année, de nombreux étudiantes et étudiants font leurs valises et voyagent à travers la province ou le pays pour poursuivre des études au-delà des frontières de leurs domiciles dans le Nord.
Il y a trois ans, j’ai chargé mes affaires dans une vieille minifourgonnette rouge et j’ai dit adieu aux rives glacées du lac Supérieur. J’ai conduit pendant dix-huit heures de Thunder Bay, ma ville natale, jusqu’à Ottawa pour fréquenter l’Université Carleton. Comme bien d’autres, on m’avait encouragée de quitter le Nord de l’Ontario. On m’avait dit que les possibilités dans le Sud étaient abondantes, que les politiques étaient fascinantes et que les paysages étaient plus captivants. Les grandes villes ne m’ont jamais vraiment attirée, mais ça me semblait être la bonne chose à faire.
Mais trois quarts d’un baccalauréat plus tard, chaque été je rentre toujours chez moi dans le Nord pour travailler. Année après année, je décroche un emploi plus vite à Thunder Bay qu’à Ottawa. Et quant au paysage, eh bien, rien ne vaut celui du Nord.
Pourtant, mes actions ne sont pas rares. J’ai des amis, de la famille et des collègues qui, après avoir quitté le Nord, y sont revenus pour le travail, pour les études supérieures ou même pour s’y installer. Il semble que peu importe combien de fois nous nous écartons du Nord, nous avons toujours tendance à y revenir tout doucement.
Entre-temps, selon Radio-Canada, le gouvernement ontarien est en train de dépenser 4 millions de dollars sur un programme de marketing pour attirer des étudiantes et étudiants du Sud de la province vers des collèges dans le Nord. Ron Common, le président de Sault College, soutient que bien que cette facture puisse sembler très élevée, elle attire des étudiants vers le Nord au lieu de contribuer aux campus déjà surpeuplés du Sud.
Et pour les gens natifs du Nord de l’Ontario, faire des études ici représente un avantage. Selon une nouvelle enquête de Collèges Ontario, cinq des six collèges du Nord se sont classés parmi le top huit de la province. D’après celle-ci, Confederation College, Sault College, Northern College, College Boréal et Canadore College ont tous obtenu des résultats supérieurs à la moyenne provinciale de 76 pour cent pour la satisfaction étudiante. Aussi, en 2015 les taux d’obtention de diplôme des collèges Canadore, Confederation, Northern et Boréal ont égalé ou dépassé la moyenne provinciale.
Non seulement y a-t-il de solides raisons pour poursuivre des études dans le Nord, il y a aussi un argument convaincant pour compléter un diplôme postsecondaire de façon générale.
Depuis 1990, le nombre d’emplois nécessitant un diplôme a doublé, alors que ceux exigeant des études secondaires ou moins a diminué, d’après Statistiques Canada. Selon un rapport de Rick Miner intitulé « Des personnes sans emploi, des emplois sans personne », d’ici 2031, 77 pour cent des travailleurs devront avoir des titres de compétence de niveau postsecondaire, comparativement au chiffre actuel de 60 pour cent.
De plus, selon le ministère des Finances de l’Ontario, on prévoit que les effectifs postsecondaires vont augmenter de 1,7 pour cent en moyenne jusqu’à 2017-1018, avec environ un adulte sur six qui serait inscrit dans un établissement postsecondaire public ontarien.
Le paysage du Nord de l’Ontario est vaste et parsemé de petites collectivités. Afin d’atteindre plus d’étudiantes et d’étudiants, certains établissements du Nord s’efforcent pour être plus accessibles à distance. L’an dernier, l’Ontario a puisé dans la Société de gestion du Fonds du patrimoine du Nord de l’Ontario pour investir un million de dollars dans une nouvelle technologie à l’Université Lakehead. Cet investissement permet à la population étudiante de Kenora et de Sioux Lookout de vivre une expérience universitaire interactive au moyen d’écrans grandeur nature afin qu’ils puissent s’imaginer en salle de classe.
Bien que l’accès à l’éducation s’améliore et que la demande de diplômes augmente, pour un jeune adulte, trouver un emploi dans le Nord n’est pas aussi intimidant qu’on pourrait le penser. Dans un article publié par l’Institut des politiques du Nord intitulé S’installer dans le Nord-Ouest, l’auteur James Cuddy remarque que depuis quelques années, les taux d’emploi et de participation des jeunes du Nord-Ouest de l’Ontario sont légèrement plus élevés qu’aux niveaux provincial et national. Il ajoute que dans cette région, le taux de chômage chez les jeunes est généralement plus bas que celui de la province et du pays. Cuddy fait également remarquer que dans le passé, le marché du travail des jeunes Nord-Ontariens a souffert de l’exode de ces derniers, les plus grands contributeurs de ce déclin étant le groupe des 20 à 24 ans.
Donc avec une satisfaction étudiante élevée et des taux d’emploi prometteurs dans le Nord, pourquoi les jeunes font-ils leurs valises pour s’en aller vers le Sud?
Peut-être est-ce le besoin que ressentent les jeunes de voler de leurs propres ailes? Ou, comme je l’ai appris moi-même, peut-être que leur programme choisi n’était pas offert par leur établissement local? Peu importe la raison, il y a tout de même de bons arguments pour faire des études chez nous. Le Nord de l’Ontario offre non seulement un vaste territoire, mais aussi de grandes possibilités. Et quand l’occasion se présente, il faut toujours aller voir à la porte d’entrée.
Emma Tranter est une stagiaire en communications à l’Institut des politiques du Nord
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