Où est le bœuf? Prendre la mesure de l'expansion du cheptel bovin dans le Nord de l'Ontario
8 août , 2016 - Comme dit le vieux dicton américain, « Don't have a cow, man! » (« Ne t’excite pas! »). Non, attendez un peu, je pense plutôt à la rengaine de Mark Twain, « Achetez de la terre, on n’en fabrique plus ». En principe, il n’y a aucun rapport entre ces deux notions; par contre, si on combine la philosophie de la fameuse phrase fétiche de Bart Simpson avec les paroles de sagesse de Twain, cela pourrait donner lieu à une occasion synergique pour le Nord de l’Ontario.
Le cheptel bovin provincial est en train de se rétrécir. Selon l’organisme Beef Farmers of Ontario (BFO), en 2005 le nombre de vaches a diminué de 33 % en Ontario et la production bovine est à la baisse. Qu’est-ce que cela veut dire pour le Nord de l’Ontario? Premièrement, que retrouve-t-on en abondance dans notre région? Du terrain. En effet, étant donné les millions d’acres de terres sous-utilisées à notre disposition, certains suggèrent que nous devrions cibler les terres vacantes du Grand Clay Belt dans le Nord-Est ontarien afin d’augmenter le cheptel bovin provincial et stimuler la croissance économique. Le BFO soutient que l’ajout de 100 000 animaux dans la province au cours des dix prochaines années est non seulement possible, mais mènera à plus de 4500 emplois et 318 millions de dollars en valeur ajoutée (PIB) par année.
En théorie, c’est formidable. Mais attention : l’agriculture, particulièrement l’industrie de l’élevage bovin, produit de grandes quantités de méthane (CH4), une cause importante d’émissions de gaz à effet de serre produites par l’activité humaine. La production du méthane fait partie du processus digestif normal des vaches, mais le CH4 est également émis lors de l’entreposage du fumier. De plus, récemment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations-Unies a diffusé un rapport soulignant que les changements de comportement, tels que réduire la consommation de viande, pourraient mitiger les émissions au niveau mondial. Conséquemment, serait-il prudent d’ajouter et, potentiellement, de consommer des milliers de vaches dans le Nord de l’Ontario alors que nous continuons d’atteindre des niveaux critiques en matière de réchauffement climatique?
Même si les scientifiques travaillent effectivement sur des moyens à la fois chimiques et biologiques pour réduire les émissions naturelles de CH4 provenant des bovins, il reste toujours le problème de la séquestration du carbone si nous commençons à défricher des milliers d’hectares de terre pour faire place à des pâturages dans le Nord ontarien. Nos forêts peuvent servir de « puits de carbone » qui absorbent les émissions de gaz à effet de serre; ainsi, si nous abattons certains de ces arbres, nous limitons notre capacité à séquestrer le carbone, n’est-ce pas? Pas nécessairement. En 2001, une étude a conclu que les prairies pourraient également posséder des propriétés semblables de stockage de carbone. Le sol sous les prairies aurait la capacité de saisir le dioxyde de carbone. Des études plus récentes abondent dans le même sens, mais il faudra travailler davantage pour déterminer combien de carbone peut réellement être stocké dans le sol. D’autres organismes tels que le Fonds mondial pour la nature, en faisant référence aux Grandes plaines nord-américaines, ont noté que les prairies gérées par des éleveurs contribuent à la biodiversité des écosystèmes et à l’habitat faunique.
Pour le moment, le Nord-Est ontarien abrite 70,000 acres de terres agricoles, ce qui représente 190 millions de dollars en recettes monétaires agricoles. Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario estime que « la plupart des districts du Nord de l’Ontario pourraient accroître leurs superficies de terres agricoles actives de 20 à 50 % par la remise en culture des terres privées inexploitées ». Ceci s’applique particulièrement aux districts de Timiskaming et de Cochrane qui sont situés dans le Grand Clay Belt du Nord de l’Ontario, une zone de 16 millions d’acres qui font le double de la superficie actuellement cultivée dans la province.
L’expansion du cheptel bovin pourrait être avantageuse pour l’industrie agricole du Nord-Est ontarien, mais il y a aussi beaucoup de potentiel pour le Nord-Ouest. En effet, en 2011, le district de Rainy River comptait le plus grand nombre de bovins et de veaux de la région, soit près d’un quart de tous les bovins dans le Nord de l’Ontario (voir le graphique ci-dessous). Conséquemment, l’expansion pourrait bénéficier les districts du Nord-Ouest, particulièrement ceux qui ne connaissent pas actuellement un secteur agricole diversifié, tels que Kenora.
Il est évident que l’expansion du cheptel bovin provincial dans le Nord de l’Ontario pourrait représenter une occasion formidable pour la région, mais il existe d’autres enjeux. Il est vrai que les prévisions en matière d’argent et d’emploi sont toujours des sujets de discussion excitants; par contre, nous avons une plus grande responsabilité, soit l’assurance que nous n’entreprendrons pas des activités qui contribuent aux émissions agricoles et au réchauffement climatique.
Dans l’avenir, la terre sera toujours là, mais nous devons investir davantage dans les recherches et les enquêtes. Alors que certains pourraient se demander « où est le bœuf? », on ne peut pas se permettre de se tromper en ce qui a trait à l’expansion du cheptel bovin dans le Nord de l’Ontario.
Mike Commito est le coordonnateur des recherches à l’Institut des politiques du Nord
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