L'importance d'un soutien en santé mentale durable pour les Premières Nations

31 octobre 2016 - En avril dernier, la collectivité nordique d'Attawapiskat déclarait l'état d'urgence après 28 tentatives de suicide en mars seulement. C'est toutefois un problème de longue date, car la réserve a compté 100 tentatives depuis septembre dernier.

Après la publicité entourant cet incident, Santé Canada a déclaré que la réserve aurait davantage de travailleurs en santé mentale. Le gouvernement provincial a alors annoncé qu'il affecterait 222 millions de dollars aux Premières Nations au cours des trois prochaines années, afin de s'attaquer aux problèmes de santé, puis 104,5 millions de dollars en plus de cela. Selon le ministre provincial de la Santé et des Soins de longue durée, Eric Hoskins, cela comprend « l'élargissement du soutien, y compris des équipes de traitement des traumatismes, de la formation en prévention du suicide, de la programmation communautaire positive pour les jeunes, et… davantage de travailleurs de la santé mentale dans les écoles ».

Un mois plus tard, après une rencontre avec le chef d’Attawapiskat, Bruce Shisheesh, le gouvernement fédéral déclarait qu'il investirait 70 millions de dollars de plus pour s'attaquer aux mêmes problèmes. Les subventions couvriront le coût de deux travailleurs permanents de la santé mentale pour Attawapiskat; un service téléphonique d'urgence, 24 heures par jour, et sensible aux spécificités culturelles; quatre équipes d'intervention en cas de crise en Ontario, au Nunavut et au Manitoba; davantage d'équipes de bien-être mental; de la formation culturellement adaptée, destinée aux travailleurs communautaires existants.

Bien qu'Attawapiskat ait retenu une attention considérable dans les médias, il y a une énorme quantité de facteurs qui démontrent qu'il faut de meilleurs systèmes de soutien en santé mentale dans l'ensemble des collectivités des Premières Nations. 

Attawapiskat n'a pas été la seule collectivité  autochtone nordique à déclarer un état de crise officiel lié au problème de santé mentale. La Première Nation de Neskantaga, qui se trouve aussi dans le district de Kenora, est en état d'urgence depuis avril 2013, à la suite de deux tentatives de suicide en moins d'une semaine au cours de l'année antérieure.

Globalement, les statistiques montrent que la population autochtone est particulièrement vulnérable aux problèmes de santé mentale, ce qui est empiré par un manque de ressources. En ce qui concerne ceux qui en sont à leurs années de formation, les chiffres décrivent une situation plutôt troublante. Dans un rapport de 2013, publié par le Centre de prévention du suicide, il était révélé que les suicides et blessures auto-infligées étaient les causes dominantes de décès chez les jeunes et les adultes des Premières Nations jusqu'à 44 ans.  De plus, selon  Santé Canada, le taux de suicide chez les mâles des Premières Nations âgés de 15 à 24 ans est de 126 par 100 000, comparativement au taux de 24 par 100 000 chez les jeunes mâles non autochtones. Quant au taux connexe chez les filles autochtones, il est de 35 par 100,000, par rapport à cinq par 100 000 chez les filles non autochtones.

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 L'accès aux services est également une importante préoccupation. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a rapporté que la toxicomanie et la santé mentale représentent 15 p. 100 du fardeau dans le domaine de la santé pour l'ensemble du Canada, mais qu'ils ne reçoivent que 6 p. 100 du financement accordé aux soins de santé. La situation est encore plus délicate pour les ruraux nordiques qui doivent se déplacer pour obtenir ces services. Dans une note d'information de l'Institut des politiques du Nord, rendue publique en mars 2015, il était écrit que des besoins non comblés en santé mentale avaient été documentés dans le Nord ontarien et qu'il était nécessaire d'avoir une approche rurale communautaire dans le domaine des soutiens liés à ces services.

 Même si les réserves nordiques manquaient de services avant l'annonce du gouvernement, il existe des programmes qui répondent à des besoins de la population autochtone dans les réserves du Nord. Par exemple, Keewanytinook Okimakanak Telemedicine (KOTM) est un groupe chapeauté par le Conseil tribal des chefs du Nord; il se sert de vidéoconférences pour la télépsychiatrie depuis 2002, afin de fournir des services aux Autochtones des collectivités des Premières Nations du Nord. Toutefois, KOTM a fait face à un certain nombre de difficultés relatives à l'utilisation par les patients et les collectivités, à des enjeux de compétences ainsi qu'à des ressources.

Entre-temps, Santé Canada a ajouté quatre programmes ainsi que des stratégies ayant pour objet de « parvenir à une santé mentale supérieure » dans les collectivités inuit et des Premières Nations. Les fondements de ces programmes financés par le gouvernement remontent à 1990 et au début des années 2000. Selon un porte-parole de Santé Canada, les programmes sont encore utilisés par des collectivités et organismes inuit et de Premières Nations.

Par ailleurs, le Journal de la santé autochtone a rapporté en tout neuf collectivités autochtones ayant des systèmes de soins de santé qui sont des réussites. Ces collectivités avaient un certain nombre de mesures  externes exerçant de l'influence sur les taux de suicide. Ces facteurs étaient reliés à l'autonomie administrative et à des services relevant de la bande, notamment les domaines de l'éducation, de la criminalité et de la sécurité. Un élément important était la présence d'une installation consacrée aux pratiques culturelles. Le Journal a trouvé que, dans les collectivités dans lesquelles toutes les mesures étaient présentes, il n'y avait pas eu de suicide au cours des cinq années de l'étude. Un minimum de trois facteurs était nécessaire pour abaisser considérablement le taux de suicide. Le taux des collectivités qui n'avaient aucune des mesures était de 137,5 par 100 000.

Donnant l'exemple dans les systèmes de soins de santé, la Première Nation de Kahnawake, au Québec, a été reconnue spécifiquement pour sa capacité de s'attaquer efficacement aux problèmes de santé mentale dans sa collectivité. Laurel Lemchuk-Favel et Richard Jock disent de la réserve qu'elle a un point de vue mature pour l'élaboration de systèmes de santé autochtones. Les services de santé communautaires sont supervisés par la Commission de la santé et des services sociaux  de Kahnawake. Elle planifie, coordonne et passe en revue tous les programmes de santé et des services sociaux. La Commission a fourni à la collectivité une structure pour son système de santé, ce qui comprend une approche globale, encourageant les membres de la collectivité à être responsables de leur propre bien-être. Selon Lemchuk-Favel et Jock, la collectivité a ainsi dû déterminer des liens hiérarchiques clairs pour ses professionnels de la santé, afin de créer un milieu plus compatible avec les traditions autochtones.

Bien que, pour justifier son plan, le gouvernement se soit servi de l'état d'urgence d'Attawapiskat, le fait est que le besoin de ressources pour la santé mentale dans les collectivités autochtones existait bien avant que les suicides dans la réserve commencent à attirer l'attention du grand public. 

Allant de l'avant, les collectivités des Premières Nations du Nord ontarien devraient envisager d'adopter une approche semblable à celle de Kahnawake. Par la définition des rôles entre les personnes de la collectivité et de l'aide extérieure, davantage d'indépendance et de maîtrise sont possibles pour les collectivités; alors, le système de soins de santé est plus adapté culturellement, et il est plus  efficace au regard de son objectif. 


Lindsay Campbell est une stagiaire en relations publique et marketing à l’Institut des politiques du Nord.

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