Le gouvernement doit éviter la recherche de preuves confirmant des décisions
11 janvier, 2016 - Les décisions fondées sur des preuves font fureur de nos jours. Chacun, quelles que soient les affiliations politiques et les causes, prétend favoriser les décisions fondées sur des « preuves ». Évidemment, ils tendent veiller à sélectionner plutôt soigneusement les preuves et encore davantage les façons de les présenter. Bien que tous les paliers gouvernementaux méritent des applaudissements pour déclarer au moins leur intention d'être guidés par des données probantes, les preuves sont dans le pudding, disent-ils.
Par exemple, le gouvernement fédéral vient d'annoncer, entre autres à l'aide de Twitter, que les petits avions à réaction qui transportent des passagers ne seront pas autorisés à atterrir à l'aéroport Billy Bishop de Toronto. Ce petit bout de nouvelle importe pour trois raisons dans le Nord ontarien : 1) il a des effets sur Bombardier, un gros employeur du Nord-Ouest; 2) il affecte le service aérien dans le Nord ontarien (les avions à réaction peuvent transporter davantage de personnes, plus rapidement et à un moindre coût, permettant les parcours directs); 3) les décisions reposant sur des données probantes sont importantes; si l'approche ne sert pas ici, il sera possible de l'ignorer également ailleurs. Prenons pour exemple le Cercle de feu ou les cibles d'investissement pour favoriser une économie numérique.
Selon Terrance Corcoran dans le Financial Post, la décision des avions à réaction a été prise entre 18 h et 21 h un jeudi soir, après une réunion du Cabinet. À 18 h, le nouveau ministre « examinait tous les facteurs ». Vers 21 h, nous lisions sur Twitter que la « position du gouvernement du Canada correspondait à l'engagement du PLC », c.-à-d. pas d'avions à réaction. C'est un problème à deux volets. D'abord, il n'est pas évident (du moins pour M. Corcoran, et je suis porté à être d'accord) que cela EST la position officielle du PLC. Ensuite, et surtout, « des études détaillées de l'environnement et de la circulation sont en cours. Des données sont accumulées et des preuves, produites. » La décision a été prise avant la présentation de la preuve complète au Cabinet.
Ce n'est pas une décision fondée sur des preuves, mais sur la recherche de preuves confirmant une décision. Les décisionnaires cherchent des preuves qui confirment une décision déjà prise; ils ignorent des données probantes ou en minimisent l'importance si elles ne correspondent pas à leur position préexistante. Dans de nombreux cercles gouvernementaux, la recherche de preuves confirmant des décisions est ce qui permet ensuite de faire croire que des décisions sont fondées sur des preuves. Quant à nous, de l'extérieur, après une vérification simple, nous pouvons déterminer le cheminement du gouvernement (ou d’un groupe de pression ou de défense de droits). Qu'est-ce qui est venu en premier, la décision ou la preuve?
Dans le cas des avions à réaction, c'est très clair, la décision est venue en premier. Il y un exemple similaire présenté par Ross McKitrick dans le National Post, en rapport avec les récentes discussions fédérales sur la climatologie et le changement climatique. Il signale qu'il y a au moins neuf ensembles majeurs de données pour la température. Dans l'un d'entre eux est montrée une tendance de réchauffement particulièrement accentuée (par rapport aux huit autres). Les calculs sous-jacents pour ce phénomène sont chaudement débattus. Pourtant, c'est cet ensemble qui a été retenu et donné le ton lors d'une séance d'information nationale axée sur le climat. C'est une recherche de preuves confirmant une décision, beaucoup plus subtile, mais tel est bien le cas.
Maintenant, McKitrick lui-même a un chien dans cette bataille, à savoir ce que certain désignent par « sceptique » et d'autres, par « négateur » (selon le parti pris en matière de climat). Toutefois, il soulève un bon point. Si les données probantes sont nuancées, il faudrait alors fonder les décisions sur les nuances. Sauf si vous votre idée est déjà faite... Si « quelqu'un qui nie le changement climatique » ne choisissait que les données montrant une chute considérable de la température, nous réagirions rapidement, mais, lorsque le gouvernement fait le contraire, comme dans ce cas-ci, il est applaudi.
Les applaudissements démontrent que le gouvernement n'est pas le seul coupable s'il a fait de la recherche de preuves confirmant des décisions. Dans la population en général cela se fait d'ailleurs tout le temps. Si les preuves correspondent à nos notions préconçues, nous décidons de les promouvoir. Dans la négative, nous les rejetons. Certes, rare est l'évaluation équitable des égarements de nos amis ou des bonnes décisions de nos ennemis. Nous ne devrions pas nous étonner lorsque des groupes de défense de droits, des fonctionnaires et des politiciens suivent notre exemple.
Alors, lorsque le gouvernement s'engage à être piloté par les preuves, il faut l'aider. Il faut le talonner afin qu'il ne prenne pas les décisions qu'il aime, mais celles qui reposent clairement sur une analyse des données probantes. Rien n'est « réglé » à jamais; chaque décision est teintée de preuves et de politique, et la mesure des résultats, bons ou mauvais, est la clé.
Avec les décisions fondées sur des données probantes, il y a de temps en temps des changements d'avis, ce que, par exemple, le gouvernement a fait lors du choix du moment opportun de l'arrivée des réfugiés syriens. Il nous faut maintenant et depuis très longtemps davantage de ces décisions, puis moins d'intransigeance liée aux « engagements » du parti, réels ou imaginés.
Charles Cirtwill est président et chef de la direction de l'Institut des politiques du Nord, groupe indépendant de réflexion sociale et économique et dont le siège social est dans le Nord de l'Ontario. Première publication dans Northern Ontario Business, en janvier 2016.
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