Déclaration de principes provinciale: Diversité locale au-delà de la rhétorique

26 septembre, 2016 - L'aménagement du territoire est au cœur de l'habitabilité et de la viabilité des collectivités dans lesquelles nous vivons. Le document sur l'aménagement du territoire de l'ensemble de la province, Déclaration de principes provinciale (DPP), est un texte de référence utilisé par les experts de la planification locale en Ontario, afin de déterminer l'aménagement d'un milieu communautaire naturel et construit. Il exige que les décisions locales soient en harmonie avec les intérêts provinciaux. Certains intervenants du monde de l'aménagement du territoire dans le Nord ontarien considèrent la DPP comme un produit de l'inquiétude provinciale entourant le surdéveloppement et la diminution de la quantité des espaces verts dans le Sud ontarien. Cette prémisse découle du fait que, dans le document, l'accent est mis sur les pratiques de gestion de la croissance et le libellé non négociable qui ne correspond pas nécessairement aux conditions locales des collectivités du Nord. Les prévisions de croissance du ministère des Finances pour le Nord ontarien au cours des 26 prochaines années sont négatives, avec un déclin estimatif de la population, à savoir de 798 000 en 2015 à 780 000 en 2041. Certes, le Nord ontarien s'intéresse à des politiques qui encouragent la croissance au lieu de la freiner, et cela peut se faire en offrant une plus grande marge de manœuvre que ce que prévoient les politiques limitées et protectionnistes de la DPP.

La première Déclaration de principe provinciale, déposée en 1996, était une version législative différente de celle d'aujourd'hui. La nature discrétionnaire de la DPP était le résultat de son libellé permissif; cette DPP fonctionnait plus comme une directive qu'une politique exécutoire. Des formulations telles que « doivent tenir compte » ont permis aux planificateurs de se servir de leur jugement, sans empiéter sur le contrôle local (McConnell, sans page). Lors de la mise à jour de 2005, de la DPP, le libellé a été changé, demandant que les affaires d'aménagement du territoire « soient conformes » aux déclarations de principes faites en vertu de la Loi sur l'aménagement du territoire (1).

Ce changement a sans doute créé en Ontario un système d'aménagement du territoire qui éclipse les priorités de l'expertise et des privilèges du terroir. Le développement du Home Depot de North Bay est un exemple de la façon dont les pouvoirs locaux, vers 2005, pouvaient exercer l'autorité de négocier et prendre des décisions locales. Les promoteurs ont exprimé de l'intérêt pour construire sur un terrain identifié comme habitat potentiel d'une créature menacée la couleuvre à nez plat. L'Office de protection de la nature de North Bay-Mattawa ainsi que d'autres intervenants de l'environnement ont travaillé avec le promoteur, afin de parvenir à une décision de développement mutuellement acceptable. En échange de cette atteinte portée à l'habitat de la couleuvre, le promoteur devait fournir les ressources nécessaires au déménagement et à la reconstruction d'un gîte d’hibernation (McConnell, sans page; Scott, sans page). Selon la politique existante de la DPP, soit que « l’aménagement et la modification d’emplacements sont interdits dans les habitats d’importance des espèces en voie de disparition et des espèces menacées » (23), il n'y a pas de place pour de la négociation entre les experts locaux sur le terrain, ce qui créé une dynamique de déséquilibre de pouvoirs et limite le potentiel d'aménagement.

Ce n'est qu'avec la plus récente version de la Déclaration de principes provinciale, en 2014, qu'il y a eu des efforts pour refléter les conditions uniques des  collectivités nordiques, rurales et autochtones de la province. Les dispositions de « Vision pour le système d’aménagement du territoire de l’Ontario » et de « Secteurs géographiques des politiques » font ressortir comment la DPP cherche à saisir la diversité régionale au sein de son cadre. Il vaut la peine de demander si cette nouvelle politique sert dans la pratique, sur place.

D'après des expériences vécues par des experts de l'aménagement local dans le Nord ontarien, ce ne serait pas le cas. L'industrie du chalet affairée du village de Kenora fait face à des difficultés en raison des règles de la DPP relatives au morcellement de territoires non organisés et exempts d'impôt (Rickaby, sans page). Cependant, des promoteurs privés de Sault Ste. Marie n'ont pas eu le droit de construire sur une subdivision de 91 lots qui, selon les estimations pouvait générer 100 M$ pour l'économie locale, et ce, à cause des dispositions provinciales significatives visant les terres humides, puis de dispositions pour le développement rural limité, qui se trouvent dans la DPP (Déclaration de principes provinciale 2014, 10, 22). Cette décision a été prise en dépit de l'appui conditionnel du projet par le directeur de l'aménagement de la ville, Don McConnell (Avery, 32-33). Dans le même ordre d'idée, le Service de l'aménagement de North Bay a été frustré dans ses efforts de développement en raison de dispositions de la politique, lors d'un projet de parc industriel qui a été entravé par suite de la protection de cette politique rigide au regard des zones humides côtières et de la clause sur le développement rural limité. Ainsi, bien que quelqu'un puisse prétendre que la DPP contient des étapes pour saisir et pour prendre en considération les réalités du Nord ontarien, pour le moment, il semble que c'est dans une large mesure de la rhétorique.

En outre, la DPP échoue lorsqu'il s'agit de créer des politiques applicables qui prévoient des variations locales. Lorsqu'une disposition dit, « Les zones et éléments naturels sont protégés à long terme » (22), il y a très peu de place pour la négociation d'autorités locales qui, dans le contexte de cet encadrement, prétendraient le contraire. Des libellés restrictifs peuvent aussi s'observer dans les dispositions de la DPP au sujet de la ligne de protection des terres humides côtières d’importance, l'expression « pas de répercussions néfastes », puis la protection à long terme des terres agricoles à fort rendement. Parmi les autres dispositions qui ne reconnaissent effectivement pas les différences locales se trouvent celles qui insistent sur l'atténuation de l'étalement urbain, la politique favorable au transport collectif, un ton général axé sur l'urbain et la centricité ainsi que le manque de sensibilisation à la « nature sous-développée de beaucoup de nos collectivités [du Nord] » (Déclaration de principes provinciale 2014, 4-7, 10, 14, 15, 17; Soumission conjointe, 2, 4). Les collectivités du Nord ne souhaitent pas surdévelopper et gaspiller leurs atouts naturels – elles ont plutôt simplement besoin d'une politique pouvant être interprétée plus largement. De cette façon, si une occasion de développement se présente et ne coïncide pas nécessairement avec la DPP, il sera permis d'offrir une proposition de développement de rechange.

Même s'il y a un déclin démographique dans le Nord, la même chose ne peut être dite du centre de l'Ontario, où une croissance de 3,7 millions est prévue d'ici 2041. Plus de 65 000 hectares de terres cultivables sont déjà perdus – une superficie plus grande que Toronto –, en faveur d'autres utilisations depuis 2006 dans la région élargie du Golden Horseshoe. Avec ceci en tête, il est logique de croire qu'il y va de l'intérêt de la province de mieux gérer les modèles de surdéveloppement, et que ces pressions pour la conservation dans le Sud soit perceptibles dans le libellé de la DPP. Toutefois, comme nous le savons, ce n'est pas le cas dans le Nord ontarien.

Compte tenu de tout cela, la DPP devrait profiter de sa rhétorique sur la diversité, en reconnaissant et en accommodant activement les différences locales, par des dispositions qui puissent être mises en œuvre. Cela ouvrirait la porte aux collectivités du Nord, afin qu'elles puissent bénéficier de possibilités de développement, d'une façon que ne permet pas actuellement la DPP.

 Mandy-Jean Masse est une stagiaire politique à lInstitut des politiques du Nord

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Ouvrages cités

Avery v. City of Sault Ste. Marie [2015] PL130890 (OMB), p.1. Web. Mai 2016.

Hillier, Beverley. Entrevue téléphonique. Le 14 juin 2009.

Joint Submission by the Large Northern Urban Municipalities, le 17 décembre 2012. TS Collection privée de l'auteur. Le 5 juillet 2016.

McConnell, Don. Entrevue personnelle. Le 5 juillet 2016.

McEachern, Leslie. Entrevue téléphonique. Le 7 juillet 2016.

Port, Jeff. Entrevue téléphonique. Le 15 juin 2016.

Rickaby, Tara. Entrevue téléphonique. Le 24 juin 2016.

Scott, Paula. Entrevue téléphonique. Juillet 2016. 9

 

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