Devoirs ? Pourquoi sont-ils de nouveau à la mode
14 octobre, 2015 - L'école a repris pour une autre année, et la plupart des parents, enseignants et élèves font encore face au problème épineux des devoirs. Après une décennie de campagne contre la trop lourde charge de travail des enfants à la maison, les devoirs sont clairement de retour dans les écoles canadiennes.
Le plus récent renouveau, découlant de la recherche récente, a été résumé dans une brochure de 2014 du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada (CMEC), laquelle confirme les « effets positifs » des devoirs. Au lieu de demander « qu'est-ce qui est trop », la principale question aujourd'hui est « qu'est-ce qui est suffisant »?
Le livre de 2006 de l'auteur pédagogique américain Alfie Kohn, The Homework Myth, a incité à repenser les devoirs sur le continent. Il a également déclenché un mouvement jouissant de l'appui d'une petite minorité de parents et d'éducateurs, axé sur la réduction des devoirs et leur élimination pour les premières années scolaires.
Kohn a réussi à contester les bienfaits allégués des devoirs au regard d'un rendement scolaire supérieur, puis à attirer des chercheurs sympathisants tels que Linda Cameron, Ph. D. de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario (OISE).
En février 2008, Cameron et son collègue de l'OISE, Lee Bartel, Ph. D. , produisaient une étude sur les opinions et attitudes des parents, laquelle appuyait les affirmations de Kohn, à savoir que les devoirs étaient excessifs, surtout pour les premières années scolaires, puis que cela réduisait le temps pour les activités familiales et nuisait aux « relations familiales ». Cette recherche sur les opinions, renforcée par des études du syndicat des enseignants et portant sur la charge de travail, a permis d'ajouter foi au mouvement en cours en Ontario, soit de « bannir les devoirs » aux premiers niveaux de l'école primaire.
Limiter ou éliminer les devoirs a trouvé des appuis au Conseil scolaire du district de Toronto et dans quelques conseils scolaires urbains majeurs du Canada, en particulier dans la région du Grand Vancouver et au Conseil scolaire régional de Halifax.
Le bon sens suggérerait qu'il est souhaitable que les élèves se rendent quotidiennement en classe et soient prêts à apporter une contribution aux activités et aux discussions, puis capables de le faire. Un volume considérable de recherche pédagogique avait été accumulé à la fin des années 1990 et documentait les « effets positifs » ou le renforcement des leçons enseignées en classe, l'enseignement de la responsabilité et l'autodiscipline.
Présenter une série régulière de feuilles de travail pour un apprentissage programmé, des exercices répétitifs abrutissants et du « travail trépident » – à n'en pas douter – donnait aux devoirs classiques une mauvaise réputation. Cela a aussi ouvert la porte à cette réaction nord-américaine de courte durée contre les devoirs, au milieu des années 2000.
Vers 2012, les répercussions des changements commençaient à paraître par le déclin des heures hebdomadaires de devoirs et la moins bonne préparation des élèves en mathématiques. De nouvelles études signalaient aussi les effets négatifs possibles de la réduction des devoirs sur l'éthique des élèves, leur courage et leur ténacité.
Les jeunes de quinze ans dans le monde, affirmait l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2013, consacraient à leurs devoirs en moyenne 5,9 heures par semaine en 2012, soit une heure de moins qu'en 2003. Bien que les élèves de Shanghai - Chine et de Singapour aient eu 13,8 heures et 9,7 heures de devoirs respectivement, les élèves des États-Unis et du Canada n'avaient que 6,1 heures et 5,5 heures. Le Bureau de l'éducation de l'OCDE a attribué cela au fait que les adolescents consacraient davantage de temps à Internet, puis aux modifications de la politique sur les devoirs.
Les avantages directs des devoirs sur le rendement scolaire des élèves ne sont pas clairs avant la troisième année, mais les chercheurs ont trouvé et confirmé d'autres mérites importants de la pratique. Les avantages ont tendance à varier en fonction du sujet, du niveau scolaire ainsi que de la quantité et de la sorte de devoirs. Consacrer plus de temps aux devoirs chez les élèves des premières années scolaires ne se traduit pas par un rendement supérieur en lecture (PIRL 2011), mais cela contribue au développement du l'autodiscipline, ce qui se reflète par une concentration supérieure, une meilleure gestion du temps et une plus grande confiance en soi (CMEC, 2014).
La recherche la plus récente confirme qu'il est essentiel de faire ses devoirs, afin d'avoir un rendement raisonnable aux premier et deuxième cycles du secondaire. Puisque les élèves du niveau secondaire au Canada disent que leurs devoirs prennent moins d'une heure par jour (CMEC, 2014), la plupart des autorités de l'éducation rejettent les affirmations de Kohn et voient un « rendement du temps investi » qui est positif lorsqu'il s'agit de devoirs liés à des matières spécifiques, car il y a alors équilibre dans les demandes multiples relatives aux matières concurrentes. Toutes les études récentes confirment que les élèves plus âgés continuent de bénéficier davantage que les plus jeunes, en raison de la longueur d'avance qu'ils ont dans les résultats scolaires.
La réaction défavorable face aux devoirs perd de son intensité car les parents et les enseignants reconnaissent que pas assez plutôt que trop correspond à ce qui est attendu de la plupart des élèves des écoles publiques. En Nouvelle-Écosse, la proclamation d'une politique provinciale pour les devoirs (de la maternelle jusqu’à la 12e année), en vigueur en septembre 2015, reflète la tendance existante; il est « attendu des enseignants » qu'ils exigent des devoirs en volumes progressifs, les évaluent promptement, puis fournissent des réactions régulièrement aux élèves.
Exiger des devoirs est maintenant d'avant-garde dans le monde de l'apprentissage numérique du XXIe siècle. Certaines des innovations les plus stimulantes qui émergent sur le continent reposent sur les activités liées aux devoirs. Le meilleur exemple de ce qui est désigné par modèle de la « classe inversée », où il est attendu des élèves qu'ils utilisent Internet pour regarder des vidéos de « devoirs » du XXIe siècle, et les élèves comme les enseignants sont encouragés à se servir du temps en classe aux fins d'activités interactives et de suivi axées sur l'apprentissage. Les conseils scolaires qui n'ont pas de politiques claires, souples et extensibles pour les devoirs sont aujourd'hui particulièrement désavantagées. En l'absence d'un cadre habilitant, la « classe inversée » devient plus difficile à matérialiser, et l'apprentissage est limité aux exercices classiques avec stylo et papier.
Initialement publié dans le National Post le 15 Septembre 2015.
Paul W. Bennett, directeur de Schoolhouse Consulting, est attaché supérieur de recherche, Éducation, à l'Institut des politiques du Nord, à Thunder Bay et à Sudbury (Ontario).
Le contenu du blogue de l’Institut des politiques du Nord est pour l’information et l’utilisation générales. Les vues exprimées dans ce blogue sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions de l’Institut des politiques du Nord, de son conseil d’administration ou de ses partisans. Chaque auteur assume toute la responsabilité quant à la précision et à l’intégralité de son blogue. L’Institut des politiques du Nord ne sera pas tenu responsable d’une erreur ou d’une omission dans cette information, ni d’un dommage causé par l’exposition ou l’utilisation de cette information. Tout lien vers un autre site Web ne signifie pas que l’Institut des politiques du Nord est d’accord avec le contenu de ce site, ni qu’il y assume une responsabilité.