Combler les lacunes : La classe Meno Ya Win
5 janvier, 2015 - Jenny Pert-Wesley, enseignante à Sioux Lookout, possède un mur de photos dans sa classe. Elle peut montrer n’importe quelle photo et raconter une histoire de luttes et de réussites d’un élève et, comme n’importe quel enseignant, elle rayonne de fierté.
« Il y a une photo de petite fille de première année qui a été sortie de sa collectivité parce que sa mère a été agressée, explique Jenny. Ils l’ont prise et envoyée à un refuge pour femmes à Sioux Lookout. Elle n’était pas allée à l’école depuis deux semaines. Lorsque je suis allée au refuge et me suis présentée à toutes les mères et enfants, elle est venue à l’école le lendemain, y est restée deux semaines, puis nous avons vu à la transition vers l’école publique Sioux Mountain. »
Il y une autre photo d’un jeune garçon ayant un diagnostic de maladie sanguine. Il a été admis au centre de santé Meno Ya Win de Sioux Lookout, aux fins de traitements sanguins, et il a été inscrit pour la classe de Jenny.
« Il y est venu en fauteuil roulant, avec ses tubes, a fait ses travaux scolaires, puis est reparti. »
La classe de Jenny est unique en Ontario. Située dans le centre de santé Meno Ya Win, la classe est conçue pour la scolarisation d’enfants et d’adultes qui pourraient autrement avoir une lacune dans leur éducation.
La première phase de la classe a débuté au printemps 2014. Initialement, le programme était créé pour les parents de collectivités éloignées qui venaient au centre de santé en vue d’un accouchement. Parfois des mères devaient rester au centre de santé pendant cinq ou six mois.
« Nous tentions de répondre aux besoins de ces mères qui, souvent, amenaient leurs enfants, et ceux-ci n’allaient plus à l’école de leur collectivité d’origine, explique Jenny. Il y avait donc alors une grande lacune dans leur éducation. »
Cette année, pour la deuxième phase, le programme est en partenariat avec des organismes de Sioux Lookout, y compris le Sioux Lookout Area Aboriginal Management Board (SLAAMB), les Tikinagan Child and Family Services ainsi que le First Step Women’s Shelter.
« Nous avons compris qu’il y avait davantage de personnes de Sioux Lookout qui étaient aux prises avec des lacunes dans leur éducation, mais pour d’autres raisons, explique Jenny. Il y a eu une femme et sa jeune fille qui ont été évacuées de leur collectivité d’origine. Elle était gravement blessée par son mari et demeurait au refuge des femmes, avec sa fille. Sa fille n’aurait pas été inscrite à l’école publique parce qu’elle et sa mère devaient aller vivre avec une grand-mère dans une autre collectivité plus au nord. En raison de notre partenariat avec le refuge des femmes, la petite a été envoyée ici à chaque jour; alors, lorsqu’elle est partie vers la nouvelle collectivité avec sa mère, l’enfant n’avait pas de retard à l’école. »
La classe relève du conseil scolaire du district Keewatin-Patricia à Sioux Lookout et se conforme au programme d’études du ministère de l’Éducation. Tous les élèves, de la maternelle à la 12e année, peuvent s’inscrire au programme. L’enseignement aux adultes est également offert aux personnes qui veulent se recycler ou avoir leur diplôme d’études secondaires. Tous les crédits obtenus par l’élève dans la classe Meno Ya Win valent pour le diplôme d’études secondaires de l’Ontario.
Lorsqu’un élève s’inscrit à la classe, une évaluation est faite afin de déterminer son niveau pour la lecture, la rédaction et les mathématiques. Il est demandé à l’élève quelle est la classe dans laquelle il se trouverait normalement, mais l’enseignement qu’il reçoit ne repose alors pas nécessairement sur le programme d’une classe spécifique.
« Nous partons du point où l’élève est rendu, c’est vraiment la base, dit Jenny. Connaître son niveau scolaire n’est pas plus important que le niveau de travail auquel il est parvenu, car il doit partir du point où il est, il nous faut déterminer ce point. »
Selon Jenny, la classe est un programme fondé sur une recherche pilotée par les intérêts de l’élève. Nous insistons fortement sur les connaissances linguistiques et mathématiques, notamment les langues et les cultures des Premières Nations. Jenny, enseignante des langues des Premières Nations depuis six ans, tente d’intégrer des leçons qui aideront les élèves à apprendre leur langue, laquelle pourrait autrement être perdue.
Beaucoup d’élèves participant au programme sont déjà marqués par un sentiment de perte ou un traumatisme. Un garçon de la septième année logeait à l’auberge de l’hôpital avec sa mère, son père et ses trois frères. Leur domicile plus au nord avait été incendié et plusieurs membres de la famille étaient blessés. Le garçon ne voulait pas aller à l’école publique Sioux Mountain; alors Jenny a parlé avec lui et l’a inscrit à sa classe.
« Il se sentait en sécurité et est venu à l’école pendant deux semaines, se souvient Jenny. Cet élève de septième année a dit que ce qu’il préférait face à cette classe était la bonté et le respect qu’il y remarquait. Je me sens comme les enfants; les enfants ont tous besoin d’amour, et je crois qu’ils peuvent tous apprendre. »
Cette année, plus de 20 élèves ont été inscrits à la classe Meno Ya Win Classroom. Malheureusement, Jenny dit que de nombreux parents ne sont même pas au courant de l’existence du programme, et elle espère que, pendant que le programme continuera de prendre de l’ampleur, davantage d’élèves s’inscriront.
« Je pense à nos trois dernières semaines d’activités ici et à toutes les personnes qui auraient manqué l’occasion de s’éduquer si elles n’avaient pas eu cette classe, dit-elle. Je crois que c’est si incroyable parce que nous avions une idée de la provenance des enfants, mais il y a tant ce choses qui sont nouvelles pour nous et que nous n’aurions même par crues possibles, notamment avoir à Sioux Lookout des enfants qui manquent l’école à cause de nombreux problèmes différents. »
Grâce au solide appui du conseil scolaire Keewatin-Patricia, Jenny ne croit pas qu’il faille un jour refuser un élève. Elle jouit déjà du soutien de plusieurs enseignants du niveau secondaire, lesquels donnent également des leçons au cours de la semaine.
« Je n’ai aucune crainte, dit-elle. Je suis stimulée parce que cela continue d’être fascinant. »
Tout ce que Jenny a à faire, c’est regarder son mur de photos; les histoires qu’elles racontent rappellent combien formidable tout cela a été à ce jour. Elle se souvient d’un père travaillant avec son fils à un petit pupitre. La mère subit des traitements de chimiothérapie à l’hôpital et son père y réside. Le garçon travaille dans la classe pendant que sa mère est traitée, et son père vient travailler avec lui chaque jour.
Ensuite, il y a l’histoire d’une mère et d’une fille qui sont arrivées à l’hôpital lorsque la fille était enceinte. La fille a été inscrite au cours secondaire, tandis que sa mère travaillait pour obtenir son diplôme.
« C’était super, dit Jenny. Il n’y avait pas nécessairement de lacune dans leur éducation avant leur arrivée, elles n’avaient pas d’éducation. C’est réellement multidimensionnel et, pour moi, il est important de partager toutes ces histoires parce qu’elles sont très différentes. »
Texte rédigé par Doug Diaczuk, coordonnateur des Communications à l’Institut des politiques du Nord.
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